Regards croisés sur les procès de Germain Katanga et de Pascal Simbikangwa. Entretien avec les juges Bruno Cotte et Olivier Leurent

Auteur•rice•s

Sandra DELVAL, Bruno COTTE, Olivier LEURENT

Publication

2014

Deux verdicts importants pour les victimes des crimes les plus graves ont été rendus au cours de l’année 2014. L’un par la Cour pénale internationale (CPI), l’autre par la cour d’assises de Paris, mais tous deux ont été prononcés par des magistrats français. Dans le cadre du Forum sur la justice internationale piloté par l’IHEJ, les juges Bruno Cotte et Olivier Leurent ont accepté d’échanger autour de leurs expériences respectives.

Le 7 mars 2014,  Germain Katanga a été déclaré coupable par la chambre de première instance II de la CPI et condamné le 23 mai 2014 à 12 ans de prison pour avoir contribué de manière significative, notamment par la fourniture de moyens logistiques, à la commission de crimes par la milice ngiti lors de l’attaque du 24 février 2003 contre le village de Bogoro, situé dans le district de l’Ituri en République Démocratique du Congo (RDC). Il s’agissait du deuxième procès dont a eu à connaître la CPI et il a été présidé par le juge français Bruno Cotte. Il s’agissait aussi du premier procès ayant donné lieu à une décision définitive.

Le 14 mars 2014,  Pascal Simbikangwa a été déclaré coupable d’avoir fait commettre des atteintes volontaires à la vie et des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique, en exécution d’un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle du groupe ethnique tutsi, constitutif du crime de génocide au sens de l’article 211-1 du Code pénal français. Il a également été reconnu coupable de s’être rendu complice d’une pratique massive et systématique d’exécutions sommaires et d’actes inhumains inspirés par des motifs politiques commis dans le cadre d’un plan concerté à l’encontre d’une population civile, constitutif d’un crime contre l’humanité au sens de l’article 212-1 du Code pénal. Pascal Simbikangwa a été condamné à 25 ans de prison et il est en attente de son procès d’appel. Il s’agissait du premier procès en France pour génocide et il a été présidé par le juge Olivier Leurent.

Ayant participé à ces deux procès, en tant que juriste rattachée à la chambre de première instance de la CPI dans un cas, et en tant qu’assistante spécialisée du ministère public dans l’autre, Sandra Delval a pu les comparer. Elle a été surprise de constater que malgré le fait qu’ils différaient sur plusieurs points, certains problèmes rencontrés dans leur déroulement étaient similaires. Elle s’est donc interrogée sur les raisons d’être de ces différences, liées tant au fond qu’à la procédure, et sur la manière de parvenir à plus de célérité et d’équité dans les juridictions traitant de ce contentieux.

Afin que l’expérience acquise au cours de ces procès puisse bénéficier à ceux qui auront à en traiter à l’avenir, elle a pensé qu’il serait intéressant d’organiser une rencontre entre les deux magistrats qui les ont présidées, d’échanger sur leurs expériences respectives, sur ce qui a différencié ces affaires, ce qui les a rapprochées et de recueillir leurs points de vue sur les fondements de ces différences. Cet échange fructueux avec les juges Bruno Cotte et Olivier Leurent a permis de dégager des pistes de réflexion susceptibles d’améliorer le déroulement de ce type de procès.