La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a profondément modifié les rapports entre les professionnels de santé et les patients en reconnaissant, au-delà des droits généraux de la personne, le respect de l’individualité de l’usager du système de santé. En effet, alors qu’auparavant la décision médicale relevait du seul médecin, la loi fait désormais de celle-ci une décision partagée entre le médecin et le malade. L’évolution de ces droits est annonciatrice d’un changement de paradigme. Cette transformation du droit de la santé et de la pratique médicale accompagne une transformation plus globale des rapports sociaux, caractérisée par le passage d’une organisation verticale à une mise en relation horizontale. Celle-ci s’est accompagnée de changements de perspectives et de revendications nouvelles aussi bien des malades que des professionnels eux-mêmes. Ces derniers se sentent parfois remis en cause dans leurs pratiques et menacés par la mise en œuvre de procédures strictes. Les patients ont eux aussi évolué, ne serait-ce que parce qu’ils se sont organisés notamment pour exercer avec plus d’acuité leurs droits, dans leur dimension aussi bien individuelle que collective.
Ces changements rendent indispensable une confrontation des points de vue des juristes, des médecins, des sociologues, des psychologues et des patients dans la cadre d’une vision d’ensemble de la matière, afin de renouveler les analyses et d’explorer de nouvelles pistes, voire de proposer des évolutions législatives relativement à l’encadrement juridique de la décision médicale. C’est la raison pour laquelle l’Institut Droit et Santé a mis en place un Observatoire des droits et responsabilités des personnes en santé en 2007 au sein de l’Université Paris Descartes. Cet Observatoire est une structure d’expertise pluridisciplinaire qui vise ainsi à opérer une analyse collégiale de l’application pratique de la loi du 4 mars 2002 en vue d’élaborer des propositions d’adaptation et de complément du dispositif légal existant. Il est animé par un Comité de pilotage et repose sur une Commission pluridisciplinaire et un réseau de correspondants comprenant environ 50 personnes d’horizons différents.
La recherche pluridisciplinaire sur l’encadrement juridique de la décision médicale menée par l’Observatoire a retenu, en 2007-2008, trois thèmes de réflexion portant sur :
- l’accès au dossier médical,
- l’information a posteriori,
- la recherche sur les soins courants.
- Accès au dossier médical : les résultats de l’enquête menée auprès des établissements de l’AP-HP, des chefs de service et des patients ayant exercé leur droit d’accès au dossier médical non seulement pour l’appréhension même de la notion de dossier médical, mais aussi pour le développement de risques accrus de tensions entre la confidentialité des informations de santé et leur divulgation à un cercle de tiers de plus en plus élargi. 2.
- Information a posteriori : au terme de l’analyse des dispositions relatives à l’information a posteriori en matière de santé, plusieurs points peuvent être soulignés. Tout d’abord, la disposition de l’article L. 1111-2 paraît être une nécessité impérieuse compte tenu des enjeux pour la santé publique du rappel des patients et de leurs informations sur des risques nouvellement identifiés, dans de nombreuses circonstances. Récemment des accidents en matière d’interventions chirurgicales, de traitement par radiothérapie ou d’administration de médicaments sont venus rappeler l’importance de telles mesures. Les conséquences de ces dispositions pour l’organisation et le fonctionnement du système de santé pourraient être considérables à terme tant il paraît évident que l’efficacité de l’information a posteriori dépend de la capacité de l’organisation sanitaire à identifier et retrouver les personnes concernées. Les systèmes de vigilance et de veille sanitaire mis en place depuis les années 1990 devraient trouver, dans ce cadre, un nouveau champ d’expansion et d’utilité collective. Pour autant, la disposition générale de l’article L. 1111-2 devra à l’évidence être précisée par la jurisprudence afin de concilier les garanties sanitaires qu’elle apporte et l’indispensable sécurité juridique pour l’activité des professionnels et établissements de santé comme pour la qualité des activités de prévention et des soins dispensés. Enfin, il est vraisemblable que, compte tenu de la multiplicité des situations dans lesquelles la disposition trouvera à s’appliquer et de certaines ambiguïtés susceptibles d’affecter sa mise en œuvre, notamment en matière de médecine génétique, le législateur devrait être appelé, au cours des prochaines années, à en affiner les termes.
- Recherche en soins courants : l’article L. 1121-1 2° du Code de la santé publique, en écartant l’application du régime des recherches biomédicales laisse sans réponse un grand nombre d’interrogations quant au droit positif applicable. Par exemple, aucune indication n’est donnée sur la nécessité pour les sujets de recherche d’être affiliés au régime général de la sécurité sociale. Contrairement aux personnes se prêtant aux recherches biomédicales, le sujet d’une expérimentation portant sur des soins courants ne semble pas soumis à la nécessité de se soumettre à un examen médical préalable.
Ainsi, cette recherche pluridisciplinaire sur l’encadrement juridique de la décision médicale propose sur chacun de ces trois thèmes un certain nombre de réflexions et parfois de pistes d’évolutions législatives dans le souci de rendre ces droits plus effectifs c’est-à-dire mieux partagés par l’ensemble des acteurs de la décision médicale.