Production et performance de l’activité de conciliation civile en France : approches quantitatives, qualitatives et expérimentales

Auteur•rice•s

Matthieu Belarouci

Publication

Juin. 2023

En écho au rapport sur les modes alternatifs de règlement des différends (MARD) de l’Inspection générale de la justice (IGJ), la recherche « Production et performance de l’activité de conciliation civile en France (2-PAC) » enrichit la connaissance de l’activité de conciliation civile en France. Son originalité est de s’appuyer sur des méthodologies quantitatives, qualitatives et expérimentales, en complémentarité, alors qu’elles sont usuellement mobilisées distinctement dans les analyses portant sur l’activité judiciaire.

La recherche 2-PAC a atteint trois objectifs :
– décrire finement l’activité de conciliation, sur la base de l’analyse des données de l’Enquête Conciliateurs de la sous-direction de la statistiques et des études (SDSE-SG) du ministère de la Justice sur une longue période (2003-2019) et des discours de 25 conciliateurs et magistrats coordinateurs ;
– définir des indicateurs de performance de la conciliation civile, calculés à partir de techniques dites d’enveloppement des données (data envelopment analysis) ;
– identifier les déterminants de la performance des conciliations, par analyse économétrique des données quantitatives, par analyse qualitative des discours et par une analyse expérimentale portant sur la simulation de résolution de conflits auprès de 414 individus.

La recherche 2-PAC aboutit à plusieurs résultats. En premier lieu, on observe un essor considérable de l’activité de conciliation depuis 2010, avec une accélération du phénomène à partir de 2016, sous l’impulsion de la Loi de modernisation de la justice rendant obligatoire la conciliation préalable au procès. La procédure extra-judiciaire dans 90 % des cas, semble avoir progressivement gagné en efficacité, ce qui s’apprécie notamment par la décroissance des saisies non-fondées. En ce qui concerne le profil socioéconomique des conciliateurs, la population est essentiellement et assez stablement composée d’hommes cadres retraités, mais elle tend progressivement à se féminiser.

L’analyse de la performance met en lumière les rôles positifs joués par l’expérience et la profession des conciliateurs et identifie le savoir-être attendu, en particulier des qualités requises d’écoute, d’empathie et de discernement, mais aussi des compétences dans la négociation et le management. La situation des tribunaux, notamment la durée des affaires et le degré d’intégration de la conciliation dans le circuit judiciaire, évalué par le nombre de conciliations assurées par les juges d’instance et la part des conciliations déléguées, ont des effets notables.

L’analyse du déroulement des conciliations indique que la durée est déterminante et que le nombre optimal d’audiences de conciliation est compris entre 2 et 3 par affaire extra-judiciaire. Le séquençage et la stratégie des conciliateurs, mais aussi leurs besoins en vue de l’amélioration du dispositif sont explicités. Des traits de personnalité des conciliateurs et des justiciables, en particulier leur degré d’altruisme et d’aversion aux inégalités influent sur la probabilité d’un accord de conciliation et sur ses termes.