A l’origine de la recherche, on trouve la tentative du législateur de systématiser l’encadrement des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance (NTIS) dans le contexte de l’enquête pénale par l’élaboration de la catégorie des « autres techniques spéciales d’enquête » de l’article 706-95-11 du Code de procédure pénale. Pourtant, en tirant ce mince fil, est d’emblée apparu un double obstacle : la catégorie ne couvre pas toutes les mesures qui pourraient être qualifiées de NTIS ; elle ne prend pas en compte le fait que ces technologies sont également utilisées à l’extérieur de la procédure pénale, à des fins de protection de la sécurité nationale.
Pour aborder cet objet fuyant, il convenait de se fixer des objectifs modestes : saisir les ressorts de la construction de la catégorie dans ce maquis de textes d’origine et de nature diverses qu’est devenue la procédure pénale, interroger les acteurs qui, tout au long de la procédure qui fait vivre les textes, s’y confrontent ; mesurer les innovations et les continuités avec les techniques plus traditionnelles d’enquête ; apprécier une éventuelle distorsion entre les nouvelles technologies d’investigation et de surveillance et les grands principes qui gouvernent la procédure pénale. Rapidement il est apparu que les usages
comme les normes relatives aux nouvelles technologies d’investigation et de surveillance sont à la fois révélateurs et moteurs de mutations profondes qui affectent l’enquête pénale depuis une trentaine d’années, qui plus est dans un monde pris dans le tourbillon de la production, de la conservation et de l’utilisation des « données » (data) et dans la dynamique d’une surveillance toujours plus poussée. Replacées dans ce contexte, les nouvelles technologies, utilisées sous la forme actuelle ou sous une autre, ne pourraient-elles pas permettre de faire levier entre les pratiques polymorphes et mouvantes de
l’enquête et les principes de la procédure qui ont vocation à la stabilité et la généralité ? C’est à cette question que répond le rapport qui examine successivement les usages dont font l’objet les NTIS, les normes qui les encadrent puis les perspectives qu’ouvre la confrontation des usages et des normes.
Il en résulte que les acteurs de la procédure pénale se sont résolument emparés des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance, qu’ils les mettent en œuvre avec un grand sérieux et, partant, beaucoup de questionnements, que les NTIS mettent en lumière plus que jamais le besoin de coopération entre les acteurs de la chaîne pénale, que les normes en la matière sont touffues et que les NTIS sont loin d’obéir à un régime unique et homogène. Au final, la construction de la preuve pénale, qui est le but du recours aux NTIS, apparaît largement imprégnée par le droit des données personnelles. Trois phases se dégagent : la conservation qui commande la disponibilité des données potentiellement susceptibles de constituer des éléments de preuve, l’accès qui détermine leur mise à disposition, leur recueil et la phase d’exploitation qui conditionnent leur utilisation ès-qualité.
> La recherche a permis l’élaboration de trois outils : une Synthèse comparative des mesures et un Glossaire (proposés annexes du rapport final) ainsi qu’une Cartographie dynamique des acteurs du recueil et de l’administration du renseignement et de la preuve numérique (consultable en ligne à l’adresse suivante : https://miro.com/welcomeonboard/T3AwZllmeUNjYUNPdE5qVXY0WE96bHRLaFRGZTJjNHBUVFA5UEM5SFNNZDhPY25UN0VVY3RIalF1RmZlRXFQcnwzNDU4NzY0NTU3NjM5MjkwMTI3fDI=?share_link_id=44640732862)
Cette recherche est issue de l’appel à projet lancé en 2019 dans le thème : Droit(s), justice et numérique : L’appréhension des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance par la procédure pénale
English version below / Résumé en anglais
This research was prompted by the legislator’s attempt to systematise the use of new investigation and surveillance technologies (NIST) in the context of criminal investigations by creating the category of « other special investigation techniques » in Article 706-95-11 of the Code of Criminal Procedure. However, in drawing this thin line, a twofold obstacle immediately became apparent: the category does not cover all the measures that could be described as NIST; it does not take into account the fact that these technologies are also used outside criminal proceedings, for the purposes of protecting national security. In order to tackle this elusive subject, we had to set ourselves some modest objectives: to grasp how the category was constructed in the thicket of texts of varying origin and nature that criminal procedure has become; to question the players who, throughout the procedure that brings the texts to life, come into contact with them; to measure the innovations and continuities with the more traditional investigation techniques; to assess any distortion between the new investigation and surveillance technologies and the major principles governing criminal procedure. It quickly became apparent that the uses and standards of new investigative and surveillance technologies are both indicative of and driving forces behind the profound changes that have been affecting criminal investigations for the past thirty years, especially in a world caught up in the whirlwind of data production, storage and use, and in the dynamics of ever- increasing surveillance. Placed in this context, might not the new technologies, used in their current form or in some other way, provide a lever between the polymorphous and shifting practices of investigation and the principles of procedure, which are intended to be stable and general? This is the question addressed in the report, which successively examines the uses to which NIST are put, the standards that govern them, and the prospects opened up by the comparison of uses and standards. The result is that those involved in criminal proceedings have resolutely seized upon the new investigation and surveillance technologies, that they are implementing them with great seriousness and, consequently, with a great deal of questioning, that NIST are highlighting more than ever the need for cooperation between those involved in the criminal justice system, that the standards in this area are patchy and that NIST are far from being subject to a single, uniform regime. Ultimately, the construction of criminal evidence, which is the purpose of using NIST, appears to be largely impregnated by personal data law. Three phases stand out: storage, which requires the availability of data that could potentially constitute evidence; access, which determines the availability and collection of such data; and the exploitation phase, which determines the use of such data.