Monographie d’un quartier populaire en temps de pandémie (ADN-POP)
La recherche étudie les formes d’appropriation des mesures sanitaires et restrictives édictées durant la période pandémie Covid-19 par les personnes appartenant aux classes populaires en fonction de leurs conditions matérielles, de leurs caractéristiques sociales, de leurs rapports aux normes de santé et à l’autorité publique. Elle propose une analyse des processus normatifs en croisant les apports disciplinaires de la sociologie de la santé, du droit et des quartiers populaires à l’analyse juridique de la réception des normes. Plus précisément, la recherche engage un examen pluridisciplinaire des rapports à l’autorité sanitaire, des compositions et des arrangements avec cette dernière, tels qu’ils se donnent à voir dans les pratiques et dans les discours de justification sur les mesures associées à la lutte contre la Covid-19.
Mêlant étude qualitative de type monographique au sein du quartier Le Mirail, de la ville de Toulouse (quartier concentrant populations immigrées et pauvres, classé « quartier prioritaire de la ville » et cible des politiques publiques en termes d’urbanisme, du maintien de l’ordre et de santé) et étude juridique permettant de confronter les formes d’appropriation « par le bas » avec les processus de constructions normatives « par le haut », la recherche a mis en lumière la place opérante de quatre dimensions expérientielles dans la réception et l’appropriation des mesures sanitaires : les relations, la temporalité, la corporalité et la justification. La dimension relationnelle opère autant dans les justifications que donnent les personnes de leurs formes d’acceptation, de transgression et de réadaptation des mesures sanitaires, que dans la régulation quotidienne des comportements et pratiques en santé. L’appropriation des mesures sanitaires a pu aussi être approfondie par l’analyse de diverses configurations temporelles. Que ce soit par des formes d’historicité de la pandémie, par des stratégies de synchronisation entre temps sociaux ou par les apprentissages divers, ces temporalités se manifestent autant dans les formes d’acceptation et appropriation des mesures sanitaires chez les habitants et habitantes du quartier, que dans les formes d’ajustement institutionnel visant l’acceptation sociale. Finalement, l’appropriation des mesures sanitaires passe par les corps, en termes d’incorporation de nouvelles pratiques et des enjeux interactionnels forts propres à la pandémie. Enfin, la mise en lumière des formes de justification données par différents acteurs permet de sortir d’une vision univoque des liens entre adhésion et comportement, mais aussi d’une vision substantialiste des individus et des institutions sanitaires. L’analyse rend compte des enjeux et arrangements par « le bas » et « le haut » dans des situations incertaines, mais permettant des configurations normatives en temps de pandémie.
Cette recherche est issue d’un appel à projet thématique proposé par la MRDJ et l’InSHS sur le thème » Acceptation sociale de la restriction des libertés dans le contexte de la pandémie de Covid-19″
English version below / Résumé en anglais
This study examines the ways in which the health and restrictive measures introduced during Covid-19 are appropriated. Based on a monographic study of a working-class neighbourhood in France, it reveals four experiential dimensions of the ways and means in which health measures are received and appropriated. The relational dimension operates as much in the justifications for forms of acceptance, transgression and readjustment of health measures as in the day-to-day regulation of health behaviours and practices. The temporal dimension of the appropriation of health measures is reflected in the historicity of the pandemic, in strategies for synchronising social times and in various forms of learning. The physical dimension shows the incorporation of new practices and strong interactional issues specific to the pandemic. Highlighting the forms of justification given by the various players enables us to move away from a one-sided view of the links between adherence and behaviour, and from a substantialist view of individuals and health institutions. The analysis takes account of the issues and arrangements ‘from below’ and ‘from above’ in uncertain situations, but which allow for normative configurations in times of pandemic.