Nature de l’office du juge de 1re instance et d’appel dans l’appréciation du caractère sérieux d’une QPC: filtrage ou contrôle de constitutionnalité ?

Auteur•rice•s

Alexandre VIALA

Publication

2012

L’objet de l’étude a consisté à s’interroger sur le point de savoir si les juridictions de 1re instance et d’appel exercent ou non, à l’occasion de l’examen du caractère sérieux d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), un contrôle de constitutionnalité implicite des lois. L’hypothèse était la suivante : considérer comme sérieuse une question qui met en cause la constitutionnalité d’une loi, c’est déjà douter de sa constitutionnalité et c’est exercer, chemin faisant, un contrôle de constitutionnalité de la loi. Dans le cas contraire où la question est rejetée, le juge présume la constitutionnalité de la loi et opère, a contrario, un contrôle négatif de constitutionnalité. Cette hypothèse est déjà confirmée par l’expérience de la jurisprudence des juges du second filtre. De façon quasi-unanime, la doctrine admet que le Conseil d’État comme la Cour de cassation exercent un pré-contrôle de constitutionnalité des lois lorsqu’elles renvoient la question au Conseil constitutionnel tout comme elles exercent un contrôle négatif de constitutionnalité quand elles émettent un refus de renvoi. La question mérite d’être posée s’agissant du comportement des juridictions de 1re instance et d’appel dont les décisions ne disposent pas d’une aussi forte audience que celles du Conseil d’État et de la Cour de cassation. La présente étude est une enquête tendant à vérifier, auprès d’un échantillon significatif de ces décisions, si ce premier degré de filtrage confine ou pas au contrôle de constitutionnalité.

Au terme de l’étude, il a été constaté un laxisme plus net, chez le juge judiciaire que chez le juge administratif, quant à la transmission des QPC. Le premier aurait moins tendance à filtrer les questions de constitutionnalité que le second et s’exposerait moins, chemin faisant, à la tentation d’exercer un contrôle négatif de constitutionnalité consistant à présumer plus facilement que son homologue la constitutionnalité des lois. Mais de manière générale, tant dans l’ordre judiciaire que dans l’ordre administratif, il apparaît que les juridictions de 1re instance et d’appel ont accompli leur office, pour la plupart d’entre elles, dans les limites de la mission de filtrage qui leur a été confiée par le législateur organique. Les hypothèses d’un pré-contrôle de constitutionnalité demeurent, en conséquence, relativement limitées. Quand bien même les hypothèses d’un glissement du filtrage des questions prioritaires de constitutionnalité par les juridictions de 1re instance et d’appel vers le contrôle de constitutionnalité existent, notamment chez le juge administratif dont on a pu observer le relatif activisme, il convient de dédramatiser le phénomène. Nul ne peut nier l’évidence selon laquelle l’évaluation de la crédibilité d’une question de constitutionnalité ne peut s’opérer qu’à l’aune d’un examen, fût-il superficiel, de la constitutionnalité de la disposition législative contestée. Le débat doit donc porter non pas tant sur la légitimité de ce pré-contrôle de constitutionnalité que sur les modalités de son exercice. N’y aurait-il pas lieu d’en circonscrire l’exercice en se contentant d’un seul degré de filtrage ? L’étude a permis de préconiser le maintien en l’état du mécanisme de double filtrage qui demeure peut-être la moins mauvaise solution. En le rapportant au faible nombre d’occurrences dans lesquelles les juridictions empiètent sur l’office du juge constitutionnel à l’occasion de l’examen du caractère sérieux des QPC, le double filtrage ne présente aucune menace d’atteinte au monopole que celui-ci détient dans le contrôle de constitutionnalité des lois. Pour autant, il n’est pas superflu et son maintien préserve les cours suprêmes administrative et judiciaire de l’encombrant afflux de questions fantaisistes abusivement posées par les plaideurs.