La comparution immédiate (CI) a connu une forte croissance de son usage au cours des années 2000. La procédure s’est par ailleurs largement diffusée dans l’ensemble des juridictions, alors qu’elle a longtemps été surtout mobilisée dans les grandes juridictions. Une telle croissance interroge sur les ressorts du recours aux comparutions immédiates. Plusieurs réformes ont été adoptées au cours de cette décennie mais ne suffisent pas à expliquer la diffusion de la procédure. Par ailleurs, le volume de jugements en CI invite à mieux caractériser la procédure, ses cibles et ses effets en termes de peine, dans la mesure où elle concerne aujourd’hui un nombre relativement important de cas. Étudier les comparutions immédiates est ainsi une façon de questionner les pratiques judiciaires et leur évolution de façon plus large.
Trois objectifs ont ainsi été fixés à la recherche, au-delà de l’analyse de la croissance du nombre de comparutions immédiates : préciser le profil des individus jugés en comparution immédiate, tester l’hypothèse selon laquelle les comparutions immédiates conduisent à des peines plus sévères, identifier et expliquer la variété des pratiques. Ce dernier point visait notamment à dépasser une analyse en termes de critères présidant au choix de la CI, ou de telle peine dans le cadre de la CI, pour tenter de saisir les contraintes ou conditions spécifiques façonnant l’usage de la procédure.
L’analyse s’appuie sur l’étude de 5 juridictions de la Cour d’appel de Douai (Lille, Béthune, Arras, Hazebrouck et Avesnes-sur-Helpe). Un échantillon de minutes de jugement (7882 affaires) a fait l’objet d’une analyse statistique, en vue de l’analyse des peines et du profil des prévenus. Une trentaine d’entretiens a par ailleurs été réalisé auprès de magistrats et d’avocats, et des observations ont été réalisées dans deux salles de permanence du parquet.
Les résultats relatifs au profil des prévenus et aux peines prononcées à l’issue d’un jugement en CI confirment largement ceux d’autres travaux portant sur d’autres juridictions. Un autre résultat important de la recherche est la mise en évidence de la variabilité des pratiques, pour ce qui est de la fréquence du recours aux comparutions immédiates, des affaires susceptibles d’être traitées par la voie de cette procédure et des jugements prononcés. Ce deuxième résultat renforce paradoxalement le premier : les différences constatées dans l’usage des comparutions immédiates n’empêchent pas que cette procédure concerne un « public » aux caractéristiques bien identifiables (individus ayant un « passé pénal » et/ou en situation de précarité) ; elles ne contrecarrent pas non plus un effet propre de la procédure, qui favorise le prononcé de peines plus sévères que d’autres procédures.
L’attention portée aux variations observables d’une juridiction à l’autre met en évidence des profils de magistrats, des conditions matérielles et des configurations locales freinant ou encourageant le recours aux comparutions immédiates. Par ailleurs, l’analyse localisée de pratiques met en évidence un certain nombre de facteurs structurant le recours aux comparutions immédiate : ainsi la logique de « l’ordre public », principe dont le contenu est défini localement, ou encore l’attractivité et la taille des juridictions, qui ont des effets sur le profil des magistrats en poste et sur la nature des relations entre les professionnels qui interviennent en matière de CI.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Les comparutions immédiates