De 2020 à 2023, se sont tenus en France, mais aussi en Belgique les procès des attentats terroristes de 2015-2016 à Paris et Nice, ainsi que ceux de Bruxelles de 2016. Qualifiés d’historiques, ils se réfèrent à des faits matriciels et nécessitent des équipements spécifiques, un nombre important d’acteurs judiciaires et de parties civiles et la captation intégrale, pour la France, des audiences pour créer des archives audiovisuelles historiques de la Justice. Aussi ont-ils été d’emblée présentés comme porteurs d’enjeux politiques, juridiques et mémoriels. Dans ce contexte, la recherche, ainsi formulée dans son titre Les procès des attentats de 2015-2016 en France. Analyse ethnographique, comparative et mémorielle, est abordée selon une double approche. D’un point de vue interne, elle met en lumière les relations entre les acteurs professionnels ou non dans les salles d’audience et les enjeux de qualification au sein des instances judicaires. Selon un point de vue externe, elle donne un aperçu de la résonnance d’audiences très suivies par la presse et les réseaux numériques tout en offrant des points de comparaison avec les systèmes étrangers. Cette recherche se compose de cinq axes. Le premier replace ces procès dans un continuum historique allant du XIXe siècle au XXIe, riche d’enseignements sur leur place exacte dans la politique judiciaire en matière de terrorisme. Le deuxième axe propose une observation participative quotidienne de l’attitude et des interactions entre participants aux procès, les magistrats, les accusés, les avocats, les témoins, les familles des accusés, dans le déroulement même du procès, mais aussi dans le off des palais. À l’ethnographie des audiences se sont ajoutés des entretiens formels ou informels avec les protagonistes. En troisième lieu, la réception des procès dans l’espace public est un élément indispensable pour évaluer les représentations de la justice à travers la presse en ligne, les tweets et Wikipedia, grâce à un double partenariat, d’une part avec la Bibliothèque nationale de France et l’Institut national de l’Audiovisuel, pour la mise à disposition des données numériques, et d’autre part avec une équipe de sémioticiens de l’Université Paris-Saclay, spécialistes du traitement des données de masse des médias en ligne. Le quatrième axe aborde et donne à comprendre l’enregistrement des archives audiovisuelles de la Justice, objet de prises de positions, réinterrogeant la notion de « procès filmés pour l’Histoire ». Enfin, dernier axe, une analyse comparative est conduite sur le traitement juridique du terrorisme. La première approche applique, in-situ, la méthodologie mise en œuvre sur les procès français, au procès de Bruxelles (2022-2023). Le procès de Madrid (2007), objet d’une seconde approche, permet de réfléchir a posteriori sur le processus mémoriel du fait des audiences filmées et largement diffusées sur YouTube et les réseaux sociaux espagnols. Les résultats obtenus par le projet de recherche portent sur la transformation du rituel judiciaire, les stratégies des acteurs, la réception du procès dans l’espace public, la portée limitée des archives audiovisuelles de la Justice et la comparaison d’instances portant sur des faits similaires. Le rapport final souligne l’évolution des concepts du contentieux antiterroriste, la spécialisation des acteurs judiciaires, et notamment la figure du parquet national antiterroriste ainsi que l’abandon de la défense de rupture. La mobilisation d’une équipe multidisciplinaire a permis en outre d’observer, mais aussi d’interroger les acteurs judiciaires et de produire une connaissance portant sur la transformation des ethos professionnels, l’impact des audiences sur les acteurs non-professionnels, les pratiques judiciaires en mutation sous l’influence de la justice restaurative.
Ces analyses et les résultats produits le temps de la recherche conduisent le projet à élargir des conclusions pour être force de propositions.
English version below / Résumé en anglais
Between 2020 and 2023, trials were held in France and Belgium for the 2015-2016 terrorist attacks in Paris and Nice, as well as those in Brussels in 2016. Described as historic, these trials are based on a matrix of events, they require a specific set of equipment, a large number of judicial actors and civil parties, and, in the case of France, full coverage of the hearings in order to create a historical audiovisual archive of the justice system. From the outset, therefore, they have been presented as raising political, legal and memory issues. In this context, the research, as formulated in its title Les procès des attentats de 2015-2016 en France. At the same time ethnographic, comparative and memorial, the analysis is approached from two angles. From an internal point of view, it sheds light on the relationships between professional and non-professional actors in courtrooms and the qualification issues within judicial bodies. From an external perspective, it provides an overview of the resonance of hearings that are closely followed by the press and digital networks, while providing elements of comparison with foreign systems. This research is divided into five sections. The first places these trials in a historical continuum stretching from the nineteenth century to the twenty-first, providing rich information on their exact status in judicial policy on terrorism. The second involves daily observation of the attitudes and interactions of trial participants – magistrates, defendants, lawyers, witnesses and defendants’ families – both during the trial itself and in the courtrooms. The ethnography of the hearings was supplemented by formal and informal interviews with the protagonists. Thirdly, the reception of trials in the public arena is an essential element in assessing representations of justice through the online press, tweets and Wikipedia, thanks to a twofold partnership: with the Bibliothèque nationale de France and the Institut national de l’Audiovisuel, for making digital data available, and with a team of semioticians from the Université Paris-Saclay, who specialise in processing mass data from the online media. The fourth section concentrates on and explains the recording of audiovisual archives of the judiciary, which has been the subject matter of a number of positions, reexamining the notion of « trials filmed for history ». Finally, a comparative analysis is made of the legal treatment of terrorism. The first approach applies, in situ, the methodology used for the French trials to the Brussels trial (2022- 2023). The Madrid trial (2007), which is the topic of a second approach, provides an opportunity to reflect a posteriori on the memorial process as a result of the hearings being filmed and widely disseminated on YouTube and Spanish social networks. The results obtained by the research project deal with the transformation of the judicial ritual, the strategies of the actors, the reception of the trial in the public arena, the limited scope of the audiovisual archives of the Judiciary and the comparison of cases dealing with similar facts. The final report highlights the evolution of the concepts of anti-terrorist litigation, the specialisation of judicial actors, and in particular the figure of the national anti-terrorist prosecutor’s office, as well as the abandonment of the “défense de rupture”. The mobilisation of a multidisciplinary team also made it possible to observe and interview the judicial players and to produce a body of knowledge on the transformation of professional ethos, on the impact of hearings on non-professional players, and on changing judicial practices under the influence of restorative justice. These analyses and the results produced during the course of the research will lead the project to broaden its conclusions so as to be able to inspire proposals.