Le travail en juridiction : analyse pluridisciplinaire

Auteur•rice•s

Anne-Sophie de LAMARZELLE, Valérie SAGANT, Mélanie VAY

Publication

Nov. 2024

Au point de départ de la réflexion se trouvent les nombreuses expressions du mal-être de professionnels et professionnelles de la justice, qu’ils soient magistrates, magistrats, greffières, greffiers, avocates ou avocats. Au-delà des souffrances personnelles, sont mises en cause la faiblesse des moyens alloués, l’organisation même du travail et la distorsion entre la réalité de l’activité et l’éthique professionnelle, faite d’exigence de qualité. Comment expliquer que ces métiers, pourtant largement vocationnels, conduisent des praticiens à éprouver une perte de sens dans leur travail ? Cette question a été abordée par un groupe de réflexion composé d’expertes et d’experts– chercheuses et chercheurs de différentes disciplines, praticiennes et praticiens de la justice qui a étudié, à l’aune des connaissances produites par les sciences humaines et sociales et particulièrement de la sociologie du travail, le travail des acteurs et actrices de la justice à hauteur de femmes et d’hommes, au plus près de l’activité en juridiction. L’étude proposée s’intéresse en premier lieu à l’influence de l’accélération du temps et de l’individualisation du travail, phénomènes modernes porteurs d’injonctions parfois contradictoires. Quatre caractéristiques sont étudiées : le débordement temporel décrit par une large majorité de professionnelles et professionnels ou d’actrices et d’acteurs, l’intensification et la fragmentation du travail, la place prise par le reporting et l’impact des nouveaux outils de travail, enfin la fragilisation des logiques des métiers. L’étude montre enfin en quoi, face à l’ampleur des évolutions constatées, les collectifs de travail et les leviers permettant d’agir sur le sens du travail constituent des ressources fondamentales. La justice n’est pas réductible à son fonctionnement procédural ou institutionnel, encore moins à l’appréciation de la responsabilité individuelle de ses agents : elle s’incarne au quotidien dans les gestes professionnels mis en œuvre par les praticiennes et praticiens. Analysant les processus existants, cette étude met en évidence le rôle de l’organisation du travail dans la qualité de la justice et le ressenti de ses actrices et acteurs.

English version below / Résumé en anglais

The Institute’s reflection on the theme of professional identities took place in a context marked by the expression of malaise within the justice professions. A group of a dozen experts from the professional and academic worlds studied, through the prism of the human and social sciences, the reality of the work of magistrates, court clerks and lawyers. Not reducible to its procedural or institutional functioning, justice is embodied on a daily basis in the professional gestures used by practitioners.
Highlighting existing processes – acceleration of time, individualization of work, temporal overflow, transformation of activities, role of collectives – the study shows the importance of work organization in preserving the structure and individuals that make it up. It concludes that the conditions under which work is carried out must not be aimed solely at the productive outcome of the job: they are also a determining factor in the meaning that practitioners do or do not find in their work.
practitioners find in their work.