La protection judiciaire de la jeunesse, par sa définition institutionnelle (la PJJ) ou ses objectifs généraux (éducation, protection), s’est constituée en France par opposition au modèle carcéral qui prévalait au moins jusqu’en 1939, date à laquelle les maisons de correction ont été fermées. Des modèles pédagogiques et psychologiques ont ainsi permis à l’éducation spéciale d’établir une alternative à l’incarcération, de constituer un espace d’accueil relativement autonome, de fonder une catégorie d’action judiciaire en soi; distincts tout à la fois de l’appareil pénitentiaire et des réponses juridiques classiques. Ce caractère d’exception a été pour partie remis en cause récemment: c’est du moins ce qu’on peut déduire du débat suscité en son temps par la création des Unités d’Encadrement Éducatif Renforcé (UEER). Logiquement, la menace d’un retour à l’option répressive a suscité par rebond la mobilisation des agents de l’éducation spécialisée autour d’une réaffirmation de la ligne éducative. Dans la mesure toutefois où cet argumentaire ne pouvait ignorer la montée en puissance de la demande sécuritaire, la tentation d’un durcissement des mesures à l’égard de l’entourage du mineur, par la privation des prestations familiales notamment, a paru offrir un maintien d’alternative au choix carcéral. Ainsi conduit, le débat semble s’être figé dans une forme indécision, entre la privation de liberté et le rappel à l’ordre des agents de socialisation des jeunes.
De nombreuses mutations peuvent expliquer le constat d’épuisement des mesures de protection judiciaire, mais sans doute, faut-il accorder une influence particulière tout à la fois à l’économie actuelle de la délinquance dont l’intelligibilité ne se laisse plus aisément déchiffrer, et au travail des institutions de prise en charge dont l’opacité n’est pas réellement levée par le discours des professionnels. De ce point de vue, il est tout à fait légitime de chercher à fonder un diagnostic de la situation actuelle, soit par l’analyse des dysfonctionnements de la PJJ, soit par l’étude des nouveaux comportements délinquants. Notre analyse est un peu différente: elle consiste à tenir ensemble l’une et l’autre de ces dimensions. Cette intention conduit à faire porter l’investigation sur le monde de la protection judiciaire de la jeunesse, c’est-à-dire aussi bien sur l’appareil judiciaire, les jeunes que sur l’ensemble des acteurs (collatéraux, élus, associations locales, média, enseignants, bailleurs,…) qui gravitent autour de la PJJ, et dont la pratique et le discours ont aujourd’hui acquis la valeur d’éléments constitutifs de son action. Ces nouvelles imbrications permettent à de nouvelles identités délinquantes de se construire: c’est du moins l’hypothèse qui a guidé le travail d’investigation qu’on a cherché à conduire sur les formes les plus aiguës de récidive juvénile. Les résultats de cette enquête permettent d’observer en effet combien les cas de réitération les plus criants ont partie liée aux changements induits par la socialisation de l’organisation judiciaire. Cette note de synthèse a trait à la description des éléments que le rapport de recherche a pu mettre en évidence sur ce point en particulier.
Cette recherche est issue à l’appel à projet sur le thème :Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (Ministère de la Justice)