Depuis la loi du 1er juillet 1972 qui sanctionne les discriminations raciales, le droit de la lutte contre les discriminations s’est, sous l’influence du droit européen développé en France.
Outre l’extension de la liste des critères protégés contre les discriminations -, au nombre de 25 aujourd’hui – et l’affinement de l’approche des comportements discriminatoires (discrimination directe, indirecte, par association…), l’un des points culminants de ce développement reste la création au début des années 2000 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, absorbée en 2011 par le Défenseur des droits.
Bien que depuis une vingtaine d’années, les textes juridiques foisonnent et les autorités chargées de tout ou partie de leur mise en œuvre se multiplient, au point qu’ils peuvent susciter un sentiment de trop plein, la lutte contre les discriminations laisse un goût d’inachevé. Elle présente des manques, des lacunes d’ordre, tout à la fois, conceptuel, textuel, procédural et juridictionnel. Ainsi, au moment où son institutionnalisation dans le droit français arrive à maturité, la lutte contre les discriminations se trouve confrontée à l’épreuve de son effectivité.
L’objectif de la recherche est en conséquence, d’une part, de prendre la mesure de ces faiblesses, et, d’autre part, si elles sont avérées, de déterminer les lieux où des politiques publiques et jurisprudentielles pourraient agir. L’équipe de recherche, composée d’une trentaine d’enseignants-chercheurs, docteurs et doctorants, couvrant toutes les branches du droit (droit international, droit européen, droit processuel, droit civil, droit administratif, droit du travail, droit constitutionnel, mais aussi, à l’occasion, théorie et histoire du droit) a mené un travail alternant réflexion personnelle, en sous-groupes et en séminaires communs – fermés ou ouverts de façon à présenter à des personnalités expertes et extérieures les avancées de la recherche -. Les analyses proposées prennent appui sur l’étude systématique des textes internationaux, nationaux et de droit comparé et le dépouillement de nombreuses jurisprudences. Des entretiens avec des magistrats – français et espagnols – tout comme avec des membres du Défenseur des droits ont également nourri la réflexion commune. L’issue de ce travail confirme que le droit de la lutte contre les discriminations français présente bien des défauts de cohérence entre ses multiples sources juridiques et de cohésion entre les différentes instances chargées de sa mise en œuvre. Il se caractérise aussi par des insuffisances quant aux instruments d’identification des discriminations et aux réponses apportées à celles qui sont établies. Toutefois le tableau qu’offre la France en cette matière n’est pas d’une totale noirceur. Nombre de critiques négligent que les objectifs poursuivis par cette lutte, notamment l’idéal d’égalité, le sont aussi par des dispositifs institutionnels de protection sociale et de redistribution des richesses qui ont structuré depuis longtemps les politiques publiques françaises et les innervent encore aujourd’hui. Par conséquent, le jugement négatif que l’on peut porter sur l’effectivité de ce droit et de cette lutte, doit être nuancé par la prise en compte de la place relative que ceux-ci occupent au sein des politiques sociales de réduction des inégalités et de lutte contre les exclusions en France.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Le principe de non-discrimination à l’épreuve du droit et des institutions chargées de sa mise en œuvre