Moins d’un an après la fin de la crise qui a fait basculer la Côte d’Ivoire dans la guerre civile, et alors que le contexte sécuritaire est encore loin d’être stabilisé, la société civile ivoirienne s’est retrouvée du 27 au 30 mars 2012 à Abidjan pour s’accorder sur une liste de recommandations relatives à la reconstruction et à la « renaissance » du pays.
Organisée par la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), cette seconde édition des « Journées du consensus national », auxquelles a assisté Kora Andrieu, chercheur associé à l’IHEJ, a réuni plus de 400 acteurs représentant presque toute la société civile : confessions religieuses, secteur privé, syndicats, partis politiques, ONG, universitaires…
L’agenda était précis, et ambitieux : il s’agissait, en quelques jours, d’élaborer une liste de résolutions ensuite soumises au vote des participants. Les discussions ont porté sur des thèmes divers, allant de la cohésion sociale à la réconciliation, en passant par l’immigration et la place de la Côte d’Ivoire dans la mondialisation.
Si les débats ont été parfois très vifs, l’objectif était bien celui du « consensus ». Montrant sa grande maturité, la société civile ivoirienne a ainsi prouvé que la démocratisation passe, aussi, par le bas, et commence dans le dialogue. En effet, il semble que ce ne soit pas tant le contenu même des recommandations, ouvertement « consensuelles », qui comptait, que le processus de leur prise de décision, l’ouverture d’une communication libre et non biaisée, la création d’un espace public ouvert .
Cette initiative de la CSCI est allée à l’encontre d’interprétations plus « sécuritaires » des processus de démocratisation, qui considèrent que les pays doivent être « prêts » pour la démocratie, et qu’il faut commencer par une institutionnalisation par le haut avant de libérer la parole et la société civile.
Convoquée pour discuter de la seule « réconciliation », la société civile ivoirienne a en réalité discuté des fondements d’un nouveau pacte politique, en se posant des questions essentielles sur la souveraineté, l’identité ivoirienne, ainsi que sur le rapport à la terre et au sacré. C’est donc presque à une expérience unique de la reformulation d’un nouveau contrat social qu’il a été donné d’assister à notre chercheur.
Cet événement fut également un test sans pareil pour les fondements mêmes de la « justice transitionnelle », cette discipline des droits de l’homme qui considère que le traitement du passé est essentiel à la reconstruction et à la démocratisation d’une société.
L’ambition de cet article, publié dans la collection des Notes de l’IHEJ, est de restituer l’essentiel de ces débats en en tirant quelques leçons sur la nature de la justice transitionnelle, à partir de quatre thèmes qui sont apparus au cœur de tous les échanges : la sécurité, la justice, la terre et le rapport à l’étranger.