S’interroger sur le juge et la protection de l’environnement semble être une question loin d’être inédite. Toutefois, sans pour autant conclure à l’existence d’un moment particulier, il apparait que la question du rôle du juge, et spécialement du juge administratif, en matière environnementale s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par les crises actuelles. Le positionnement particulier du juge au sein de l’ordre juridique en a fait un garant privilégié de l’effectivité des normes relevant du droit de l’environnement. Il contribuerait alors à la protection de l’environnement, voire à la promotion de la justice environnementale. L’étude vise à s’intéresser spécifiquement à l’évolution des recours juridictionnels et à la capacité de la Justice à porter l’enjeu de la protection de l’environnement, à contribuer à la protection de l’environnement. L’hypothèse soutenue est qu’alors que la Justice a été taillée pour répondre à des questionnements individuels, elle se trouve, sous la pression des demandes sociétales, amenée à s’impliquer de plus en plus dans la protection de l’environnement. La recherche, qui s’appuie sur une démarche interdisciplinaire, mobilisant également le droit comparé, a permis de dégager trois types de résultats. Tout d’abord, l’implication croissante du juge administratif en matière de protection de l’environnement est confirmée. Le juge est sollicité de plus en plus tant par les requérants individuels que par des requérants agissant de manière organisée, les acteurs emblématiques ici étant les associations et le recours au juge s’insère dans une stratégie prédéterminée, ce qui modifie sa portée politique. Ensuite, l’accès au juge administratif en matière environnementale continue de rencontrer certaines limites. La spécificité de l’intérêt environnemental a impliqué de réfléchir à l’aménagement de recours collectifs, y compris à une action populaire. Enfin, la capacité du juge administratif à contribuer au renforcement de la protection de l’environnement s’apprécie au regard de son aptitude à impacter l’ordre juridique. La préservation de l’autorité des décisions de justice est un gage de crédibilité de l’intervention du juge. La portée de la décision contentieuse est renforcée notamment par la mobilisation du droit de l’Union européenne et l’usage plus fréquent des pouvoirs d’injonction. Finalement, la recherche révèle que les évolutions actuelles, si elles mettent en avant le rôle du juge, et spécialement du juge administratif, et sa contribution au débat public, ne devraient pas avoir d’impact direct sur l’exercice de la fonction de juger. Le juge ne doit pas devenir militant, ni se substituer aux pouvoirs exécutif et législatif. Lorsqu’une association ou un groupe d’individus ou même un individu saisissent le juge, en vue de promouvoir la protection de l’environnement, c’est parce qu’il est indépendant, impartial, expert du droit, et que sa décision peut potentiellement avoir un impact sur la société et les politiques publiques.
Cette recherche est issue de l’appel à projet lancé en 2021 sur le thème : Les enjeux juridiques de la transition écologique.
English version – Résumé en anglais
Questioning the relationship between access to judges and environmental protection is far from new. However, without concluding that there is a particular moment in time, the question of the role of the judge in environmental matters is part of a particular context, marked by the current crises. The special position of the judge, and noticeably the administrative judge, within the legal system has made it a privileged guarantor of the effectiveness of environmental law standards. In this way, they contribute to the protection of the environment, and even to the promotion of environmental justice. The aim of the study is to take a specific interest in the evolution of legal recourse and the capacity of the judicial system to take up the challenge of environmental protection and to contribute to environmental protection. The hypothesis is that while the justice system, including administrative justice, was designed to respond to individual issues, it is now finding itself increasingly involved in protecting the environment under pressure from societal demands. The research, which is based on an interdisciplinary approach that also draws on comparative law, has led to three types of results. Firstly, the growing involvement of judges, including administrative judges, in environmental protection is confirmed. The courts are increasingly called upon both by individual claimants and by claimants acting in an organised manner, the emblematic players here being associations, and recourse to the courts is part of a predetermined strategy, which modifies its political scope. Secondly, access to administrative courts in environmental matters continues to encounter certain limits. The specific nature of environmental interests has led to consideration being given to the development of class actions, including popular action. Finally, the ability of administrative judge to contribute to strengthening environmental protection is assessed in terms of its ability to have an impact on the legal system. Preserving the authority of court rulings is a guarantee of the credibility of judicial intervention. The scope of litigation decisions is strengthened by the mobilisation of European Union law and the more frequent use of injunction powers. Finally, the research reveals that current developments, while they highlight the role of the administrative judge and his contribution to public debate, should not have a direct impact on the exercise of the judicial function. Judges must not become activists or take the place of the executive and legislative powers. When an association, a group of individuals or even an individual brings a case before a judge to promote environmental protection, it is because the judge is independent, impartial and an expert in the law and that his decision can potentially have an impact on society and public policy.