Si les Panama Papers concernent surtout l’évasion et la fraude fiscales, cette affaire révèle la place fragile et parfois opaque des intermédiaires – en particulier des professions du droit et de la finance – dans l’architecture de la délinquance économique et financière. Facilitateurs d’affaires ou de corruption (au sens large), la démarcation n’est pas toujours aisée. De par leur connaissance (droit, comptabilité, fiscalité…), de par leur structuration (professions règlementées ou très encadrées), de par leur position relationnelle (souvent privilégiée), ces professionnels peuvent se retrouver dans des zones grises où la frontière entre la fonction de conseil et l’incitation au délit devient fine.
Le sujet n’est pas nouveau. En Avril 2010, l’International Bar Association, en coopération avec l’OCDE et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a lancé un programme intitulé “About the Anti-Corruption Strategy for the Legal Profession”. En 2013, The Financial Action Task Force (FATF, organe inter-gouvernemental) rendait un rapport sur Money Laundering and Terrorist Financing Vulnerabilities of Legal Professionals. Les conférences sur le sujet ne manquent pas depuis.
Dans un environnement concurrentiel et global tel que celui du service juridique et financier, comment se démarquer, conseiller, tirer profit des normes (et des vides juridiques) dans l’intérêt de son client tout en assurant un strict respect des règlementations ? Comment éviter que l’avocat ne se retrouve courroie voire auteur de corruption dans l’exercice même de ses fonctions ? Comment assurer au sein de ces milieux professionnels la compréhension des sanctions qui peuvent leur être imposées lorsqu’ils se retrouvent, délibérément ou par inadvertance, facilitateurs de corruption ? Quelle est la politique de l’autorité judiciaire en la matière ? Quelles méthodes de gestion des risques de corruption vis à vis des demandes et des exigences des clients peut-on mettre en place ? Peut-on quantifier et qualifier le rôle que les juristes, experts comptables, financiers jouent dans la lutte contre la corruption internationale ? Les instruments légaux en la matière sont-ils adaptés à leurs pratiques professionnelles ? Autant de délicates questions qu’il est nécessaire de traiter pour protéger ces professions et assurer leur crédibilité, c’est à dire leur survie.
Intervenants :
Jane ELLIS, Director, Legal Policy & Research Unit, International Bar Association
Eliane HOULETTE, Procureure de la République, Parquet national financier
Damien MARTINEZ, Director Wertern Europe, Governance,Risk, Compliance, Thomson Reuters
Eric RUSSO, Premier vice-procureur, Parquet national financier