Le travail engagé s’inscrit à la suite de précédents travaux conduits par les partenaires de cette recherche, qui sont autant de supports privilégiés aux présents développements. Il importait de croiser les données obtenues comme les regards et les approches adoptés, de favoriser une mise en synergie des productions antérieures, afin d’apporter une dimension temporelle et transdisciplinaire à la problématique visée. Ces travaux faisaient le même constat d’un manque d’outil et de référentiel chez les professionnels en charge de l’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive. Aussi s’agit-il dans cette recherche de dépasser les difficultés méthodologiques éprouvées dans les pratiques et de proposer une amélioration dans l’organisation des informations relatives aux personnes prises en charge sur tout le temps d’exécution de la peine.
La recherche vise les objectifs suivants :
1) Analyser l’évolution des représentations professionnelles, des pratiques d’évaluation de la dangerosité et des méthodes associées ;
2) Dresser une cartographie des éléments référentiels cliniques et criminologiques (marquants et manquants) à l’œuvre dans les pratiques d’évaluation de la dangerosité selon une approche intégrative et transdisciplinaire ;
3) Interroger les possibilités organisationnelles, méthodologiques et techniques d’évaluation de la dangerosité et du risque de récidive ;
4) Construire un Guide d’INvestigation FOrensique (INFO) à destination de tous les professionnels intervenant auprès de la PPSMJ (personne placée sous main de justice) tout au long de son parcours pénal (depuis sa mise en examen jusqu’à la fin de sa peine), tenant compte à la fois des spécificités professionnelles et optimisant l’analyse et le travail pluridisciplinaires.
Le protocole méthodologique, élaboré conformément à ces objectifs, s’est vu organisé selon trois phases. La première, portant sur l’évolution historique des représentations, des pratiques professionnelles d’évaluation de la dangerosité et des méthodes associées, repose sur une étude des données archivées au Centre National d’Évaluation (CNE). La seconde, portant sur les connaissances et pratiques actuelles, s’étaye sur un corpus d’entretiens semi-directifs menés auprès de quarante-cinq professionnels exerçant en CNE, en SPIP et en établissements pénitentiaires (CPIP, personnels de surveillance, psychologues, directeurs et directeurs-adjoints). Enfin, la troisième phase, portant sur l’élaboration d’un Guide d’INvestigation FOrensique, repose sur l’ensemble des donnés ainsi recueillies et des retours professionnels apportés à l’occasion d’échanges dédiés à la présentation de l’outil en cours d’élaboration.
L’ensemble des limites – épistémologiques, théoriques, méthodologiques, praxéologiques – discutées ont abouti à l’élaboration d’un Guide d’Investigation Forensique (Guide INFO), qui permet l’étude de la trajectoire pénale et carcérale singulière de la PPSMJ ainsi que les actions et interventions des professionnels pluridisciplinaires l’ayant ponctuée. Partant d’un souci d’optimisation des informations dont disposent les différents professionnels, l’outil proposé ne constitue pas une grille d’évaluation de la dangerosité ou du risque de récidive mais le support d’une investigation systématisée des données statiques et dynamiques, impliquant un regard et une analyse diachronique et synchronique. La formalisation du Guide INFO favorise une lisibilité en parallèle des différents parcours composant cette trajectoire (parcours familial et conjugal, parcours scolaire ou professionnel, parcours de santé, parcours judiciaire, parcours institutionnel, parcours d’insertion et de probation). À travers lui, il s’agit de rendre visibles, dans le temps et dans l’espace, les vulnérabilités individuelles et/ou collectives, observées en détention comme en post-détention, dont peuvent se saisir les différents professionnels, services, structures, administrations, autorités ou commissions, dans l’exercice de leurs missions. Enfin, il vient soutenir et étayer une démarche de mutualisation et de mise en cohérence des pratiques entre les différents acteurs impliqués dans la prise en charge et l’accompagnement des personnes placées sous main de justice. Les conditions pratiques d’utilisation de l’outil proposé, discutées de manière générale en fin de rapport, nécessiteraient une mise en application concrète expérimentale sur sites pilotes.
Cette recherche est issue de l’appel à projet sur le thème : Évaluation de la dangerosité des personnes placées sous main de justice