Asile et Extradition. Théorie et pratique de l’exclusion du statut de réfugié

Auteur•rice•s

Vincent CHETAIL, Caroline LALY-CHEVALIER

Publication

2013

La présente étude a pour objet d’analyser les relations denses et complexes entre l’extradition et l’exclusion du statut de réfugié. Chacun de ces domaines spécifiques du droit a longtemps évolué de façon autonome sans égard aux nombreuses interactions qui les unissent. La recherche met en lumière les potentiels et les limites de leur articulation. L’objectif ultime est de dessiner un cadre juridique qui permette de concilier les obligations parfois contradictoires dérivant du droit de l’extradition et du droit des réfugiés. La méthode utilisée à cette fin par les chercheurs fut délibérément large, incluant autant des questions de droit international que de droit interne, doublée d’une approche comparative des législations et pratiques nationales les plus représentatives. Deux axes de recherche ont été retenus portant respectivement sur les aspects matériels et procéduraux des relations entre extradition et exclusion.

Dans le cadre du premier axe, l’étude générale des clauses d’exclusion au statut de réfugié a permis de mettre en lumière les grands principes régissant la matière de manière à les comparer avec ceux prévalant dans le domaine de l’extradition (niveau de preuve requis, proportionnalité, responsabilité individuelle). Cette étude générale a été complétée par des études plus spécifiques sur les éléments matériels des différentes clauses d’exclusion (article 1 F a), b) et c) de la Convention de Genève et article 17 d) de la Directive 2004/83/CE). Sous l’angle procédural et institutionnel, le deuxième axe de recherche a mis en lumière les difficultés posées par la coordination des procédures d’asile, d’extradition et d’entraide judiciaire pénale, et tout particulièrement en France où ces procédures font l’objet d’une réglementation distincte et fragmentaire.

Suivant la même approche que pour l’axe précédent, une étude générale a ainsi mis en relief les principes régissant la matière, suivie d’études ciblées sur certains aspects spécifiques (tels que la jurisprudence du Conseil d’État ou l’impact du mandat d’arrêt européen). En définitive, les résultats de la recherche permettent d’identifier trois cas de figure pour mieux prendre en compte les besoins de coordination entre extradition et exclusion :
– (i) le premier est celui du maintien du statu quo normatif lorsque les dispositions d’un corps de règles suffisent par elles-mêmes à répondre aux préoccupations de l’autre (en raison de la convergence matérielle entre extradition et exclusion identifiée dans le premier axe de la recherche) ;
– (ii) la deuxième solution, qui est complémentaire de la précédente, consisterait à inscrire formellement dans la loi (ou les traités conclus par la France) les garanties offertes par l’un des deux corps de règles lorsque celles-ci ont vocation à s’appliquer dans le cadre de la mise en œuvre de l’autre corps de règles. Il s’agirait simplement d’expliciter une règle qui s’applique en tout état de cause (comme l’interdiction d’extrader un réfugié vers un pays de persécution) ;
– (iii) une troisième et dernière solution, rendue nécessaire en cas d’insuffisance des deux premières, serait de modifier le droit français lorsque celui-ci ne garantit pas, en l’état des dispositions conventionnelles, législatives et réglementaires applicables, le respect des règles de l’un ou l’autre corps de règles. Il en va particulièrement ainsi lorsque les garanties offertes par le droit de l’extradition ne prennent pas suffisamment en compte le besoin spécifique de protection du demandeur d’asile, du réfugié ou de l’exclu. L’objectif prioritaire doit être l’application conforme des deux corps de règles et ce n’est qu’en cas d’impossibilité d’y parvenir qu’une préférence devrait être accordée à l’un des deux corps de règles – vraisemblablement le droit des réfugiés compte tenu du rang assigné aux droits fondamentaux de la personne humaine, dans l’ordre interne français (protection constitutionnelle en particulier) comme dans l’ordre international.