Aux affaires familiales, des procédures socialement différenciées 

Auteur•rice•s

Valérie SAGANT (dir.)

Publication

Mar. 2023

Inégalités de classe, de genre et de territoire 

Portant sur un contentieux civil massivement traité et révélateur des liens entre la société et sa justice, cette recherche éclaire la façon dont les professionnel·les du droit et les institutions juridictionnelles participent à la (re)production des inégalités sociales. Elle combine le traitement quantitatif d’un large échantillon représentatif de dossiers judiciaires constitué dans sept tribunaux à des enquêtes de terrain (par observations et entretiens), menées dans plusieurs tribunaux, cabinets d’avocat·es et structures associatives ou publiques d‘accès au droit. Ces deux méthodes permettent de documenter précisément la prégnance des inégalités de classe, de genre et de territoire en matière d’accès à la justice mais aussi de tenter d’en expliquer les principaux mécanismes. 

L’analyse des dossiers et des interactions entre professionnel·les et justiciables confirme d’abord le poids des inégalités de classe dans les procédures judiciaires. Les justiciables de classes populaires font face à des délais plus longs que celles et ceux des classes moyennes et supérieures, tandis que les professionnel·les leur consacrent moins de temps. Ces inégalités de classe s’articulent aux inégalités de genre : l’expérience judiciaire des femmes et des hommes diffère notablement, particulièrement dans les classes populaires et dans les couples où la division sexuée du travail est la plus marquée. Enfin, l’analyse des effets du territoire – entendu comme la juridiction où ces dossiers ont été traités – montre que les juridictions n’ont pas toutes affaire aux mêmes publics, mais surtout que ces derniers n’ont pas accès aux mêmes services d’un tribunal à l’autre. Cette recherche met ainsi en évidence le cumul des inégalités pour certains publics aux affaires familiales : orienté·es vers les procédures les moins efficacement traitées par le système judiciaire, ces justiciables bénéficient de moins de moyens personnels pour être accompagné·es dans leurs démarches et constituent le principal public de tribunaux qui, à rebours du principe d’égalité devant les services publics, bénéficient à leur tour de moins de moyens pour faire face à la masse du contentieux familial. 

Rapport de recherche réalisé sous la direction d’Émilie BILAND et de Sibylle GOLLAC avec la contribution de l’équipe de recherche Justines. Texte de synthèse avec la collaboration de Mathieu BRIER. 

Voir la recherche n°17.41 « Justice et inégalités au prisme des sciences sociales »