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Entretien avec Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, au terme de son mandat de Président de l’IERDJ

Le 31 décembre 2024, Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, terminera son mandat en tant que président de l’IERDJ, conformément aux statuts de l’Institut. Au travers de cet échange, M. Moscovoci dresse un bilan de deux années aussi denses que très stimulantes.


Pierre Moscovici, lors de la dernière assemblée générale de l’IERDJ, le 13 novembre 2024.
  • Vous avez participé à la mise en place de ce nouvel Institut, issu de deux structures trentenaires. Quel bilan faites-vous de vos deux années à la tête du GIP IERDJ ? Vous semble-t-il avoir trouvé sa place ?

Pierre Moscovici : Contribuer à la mise en place du GIP a constitué une expérience très enthousiasmante. Même si nous ne partions pas de zéro, puisque nous pouvions capitaliser sur l’expérience acquise par l’Institut des Hautes Études sur la Justice et la Mission de recherche Droit et Justice, il nous a fallu nous familiariser avec un nouveau mode de gouvernance, définir nos priorités d’actions et parvenir à positionner très rapidement ce nouvel acteur dans le paysage institutionnel de la recherche.

C’était un défi, mais je crois que nous pouvons être fiers du parcours accompli ces deux dernières années, qui a contribué à asseoir la place de l’Institut à la croisée entre le monde de la recherche et les praticiens du droit et de la justice. Je crois pouvoir dire sans me tromper que l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ) est aujourd’hui un acteur qui compte, non seulement pour ses membres mais aussi pour le débat public. J’en veux pour preuve l’augmentation notable du nombre de projets soumis au conseil scientifique et la diversification des travaux conduits sous l’égide de l’Institut, en particulier les évènements, manifestations et ateliers qui drainent un public toujours plus nombreux et renforcent les occasions de dialogue et de réflexion entre les membres.

La composition plurielle de l’Institut, rassemblant des acteurs appartenant à des sphères relativement éloignées et caractérisées par leur forte indépendance – la justice et la recherche –, constitue à mon sens l’une de ses vraies forces, puisqu’elle nous pousse au dialogue et à la réflexion collective, faisant de l’Institut un véritable lieu de débat et d’innovation, en prise avec les enjeux contemporains auxquels nous sommes tous confrontés et nous cherchons à répondre de la manière qui soit la plus adaptée aux attentes des citoyens. C’est ce qui lui permet aujourd’hui d’occuper une position centrale dans les réflexions sur les évolutions du droit et de la justice.

Je tiens à saluer à ce titre le travail remarquable mené par les équipes de l’Institut pour le faire vivre au quotidien et assurer l’indispensable coordination entre tous les membres.

Pierre Moscovici lors de la première Nuit du Droit organisé par la Cour des comptes et l’ IERDJ, le 4 octobre 2023.  ©émilelombard

Quels ont été les événements marquants de l’Institut du point de vue du Premier président de la Cour des comptes et du point de vue du Président de l’assemblée générale du GIP ?

Pierre Moscovici : L’IERDJ venait seulement de souffler sa première bougie lorsque j’en ai pris les rênes en janvier 2023. Je me réjouis de deux évolutions notables intervenues depuis, qui sont venues conforter notre assise et notre expertise. La première, c’est l’élargissement du conseil scientifique, passé de 18 à 25 membres, qui nous garantit une expertise diversifiée et équilibrée en termes d’origines professionnelles, géographiques et de genre. La seconde, c’est l’intégration d’un nouveau membre dans la gouvernance du groupement, l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui nous a permis de renforcer nos partenariats avec les praticiens du droit et d’élargir le champ d’action de l’institut. Je ne doute pas que d’autres membres ont encore vocation à nous rejoindre dans les années à venir.

Mais au-delà de ces questions de gouvernance, l’IERDJ se définit d’abord par les travaux de recherche qu’il conduit ou qu’il soutient et finance. A ce titre, je me félicite de voir combien le programme de recherche de l’Institut est résolument tourné vers des questions essentielles pour la justice de demain. Je pense aux thèmes consacrés à la justice et la démocratie, à la place des femmes dans la justice – un thème qui me tient particulièrement à cœur –, ou encore l’impact du numérique sur l’exercice de nos métiers. Sous ma présidence, nous avons mis l’accent sur l’enjeu majeur du droit des générations futures. Je suis convaincu que ces travaux joueront un rôle déterminant pour contribuer à un système judiciaire plus inclusif et représentatif. N’oublions pas que ce sont les transformations que nous opérons aujourd’hui qui feront le visage de la justice de demain. Si nous voulons que la justice soit en phase avec les besoins des prochaines générations, il nous faut anticiper dès aujourd’hui les évolutions à venir. C’est tout l’enjeu de l’identification de nos thèmes de recherche, mais aussi du dialogue entre les membres de l’Institut qui nous permet de confronter nos points de vue.

En tant que président de la Cour des comptes, je suis très attaché à développer nos liens avec le monde académique. Je considère que l’intégration des apports de la recherche dans les méthodes et les analyses des juridictions françaises est crucial pour la crédibilité scientifique de nos travaux. D’où l’importance que j’accorde à notre participation à l’IERDJ. C’est un partenaire significatif, avec lequel nous avons d’ailleurs organisé nos deux premières « Nuit du droit » en 2023 et 2024.


Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes
et président de l’IERDJ lors de la présentation du rapport d’activité 2023 de l’Institut, le 27 février 2024.

Alors que vous transmettrez au 1er janvier 2025 la présidence à Monsieur le Premier président de la Cour de cassation, quels souhaits formulez-vous pour l’avenir de l’Institut ?

Pierre Moscovici : Les financements alloués à l’IERDJ seront à l’avenir de plus en plus contraints, dans un contexte où les finances publiques imposent des restrictions que l’ensemble des entités publiques doivent ou devront assumer. Bien que cette réduction soit nécessaire, elle introduit des contraintes qui nous obligent à repenser notre fonctionnement. L’institut devra donc engager une réflexion profonde et durable, sur la façon d’intégrer ces limites financières au quotidien, sans compromettre l’excellence de ses travaux.

J’ai néanmoins toute confiance dans la capacité de l’IERDJ à relever ce défi. Il s’agit en effet d’un institut pluridisciplinaire, doté d’une gouvernance agile et d’une capacité unique à fédérer différents acteurs autour de projets communs. Je suis persuadé que cette organisation et cette flexibilité permettront à l’institut de s’adapter et d’évoluer pour s’imposer définitivement comme un acteur de référence de tout premier plan dans le monde de la recherche. A ce titre, je crois fermement que nous avons tout à gagner à développer encore davantage nos partenariats internationaux, en particulier en Europe. La coopération avec nos homologues européens est une voie stratégique pour accroître le rayonnement de notre système juridique français à l’international, et pour enrichir nos propres réflexions.

Je sais que nous pouvons compter sur Christophe Soulard, qui prendra ses fonctions le 1er janvier prochain, pour continuer à faire prospérer l’IERDJ.