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Tables rondes IERDJ / DSJ : entretien avec Stéphanie Forax et Valérie Sagant

L’IERDJ a organisé en 2024 deux tables rondes en appui à la conduite de projet de modélisation des organisations de travail menée à la Direction des Services Judiciaires. Y ont assisté des membres de la DSJ, des cheffes et chefs de juridictions et de cour ainsi que des directrices et directeurs de greffe. La première table ronde a eu lieu le 17 avril 2024 sur la thématique du temps judiciaire, la seconde le 9 octobre 2024 sur le thème de la dématérialisation. Valérie Sagant, magistrate et directrice de l’IERDJ et Stéphanie Forax, magistrate et directrice de projet à la DSJ reviennent sur ces séances de travail.

Valérie Sagant, magistrate et directrice de l’IERDJ
Stéphanie FORAX, magistrate et directrice de projet à la DSJ

Les tables rondes ont été l’occasion d’un dialogue entre des chercheurs et des praticiens, chefs et cheffes de cour et de juridiction, directeurs et directrices de greffe. En quoi les échanges ont-ils nourri la réflexion ?

Stéphanie Forax : Le format est particulièrement aidant pour les acteurs, invités à prendre du recul sur leur pratique quotidienne grâce à des interventions de chercheurs en adéquation avec les questionnements identifiés sur le terrain.

Quelle est la place de l’IERDJ dans la réflexion conduite par la DSJ ?

Valérie Sagant : Nous nous efforçons de mobiliser plusieurs chercheuses et chercheurs, en sociologie du travail, en sciences de gestion ou en sciences politiques. Un travail préparatoire est indispensable. Le format table ronde permet à la fois des exposés par les chercheurs et l’expression des réalités du terrain est un format particulièrement fructueux que nous avons commencé à expérimenter dès 2019.

Pour la table-ronde d’avril 2024 consacrée à la temporalité, quels ont été les apports de la recherche ?

V.S : Plusieurs chercheurs et chercheuses sont intervenus pour montrer le travail des greffiers et greffières dans le cadre des délais contraints de l’ordonnance de protection, faire un détour par la procédure (très marginale, il faut le préciser) de traitement accéléré au tribunal de Berlin et analyser un rapport au temps basé sur un « modèle de la hâte » dans différents secteurs d’activité.

Et en ce qui concerne la deuxième table-ronde consacrée à la dématérialisation ?

V.S : Sur la dématérialisation, les chercheurs ont exposé les enjeux des différents outils numériques, plus ou moins structurants de l’activité de travail, le travail des juristes assistants dans les juridictions et les liens entre organisation du travail et dématérialisation. Un magistrat a aussi partagé son retour d’expérience après dix années de dématérialisation de la procédure civile en Italie. Je tiens ici à remercier vivement les chercheurs qui ont participé à ces travaux et qui contribuent ainsi directement à l’amélioration du fonctionnement de notre institution.

Après les tables rondes, les participants se sont retrouvés pour des ateliers participatifs sur les thématiques du temps et de la dématérialisation. Que pensez-vous de cette articulation en deux temps : échanges à partir des apports de la recherche suivis d’ateliers participatifs ?

S.F : L’articulation entre table ronde et ateliers participatifs, temps de la réflexion puis temps de l’action, est tout tout-à-fait adaptée au sujet traité et à la réflexion partagée et exploratoire. Il ne s’agit pas de repartir avec des outils prêts à l’emploi ce qui n’aurait pas beaucoup de sens sur des sujets qui sont plus ou moins avancés selon les organisations. Il s’agit plutôt d’identifier les points forts et les contraintes de nos organisations, d’identifier les leviers d’action et de prendre en compte ces éclairages dans le travail de fond mené par la direction de projet sur les missions d’assistance et les organisations de travail en juridiction.

Parmi les ponts abordés au cours des tables rondes, lesquels vous paraissent particulièrement éclairants pour la modélisation des organisations de travail dans les tribunaux et les cours d’appel ?

S.F : De multiples clés d’analyse ont été proposées qui concernent notamment, la mise en perspective des différents facteurs susceptibles d’influencer les organisations de travail, les évolutions que génèrent la diversité des emplois et fonctions, la diversité des outils de travail, le déploiement de la digitalisation… Les études de terrain, étayées, sont quant à elles particulièrement parlantes et font écho aux pratiques quotidiennes en juridiction.

Quelles sont les prochaines étapes ?

S.F : Dans les prochaines semaines une partie de la doctrine d’emploi sur les missions d’assistance au sein de l’équipe juridictionnelle sera mise en ligne à la suite de la publication du décret sur les attachés de justice. Ensuite interviendra la diffusion d’éléments sur les organisations de travail en ce qui concerne le contentieux des affaires familiales et l’orientation pénale. Ce travail se poursuivra sur l’orientation et l’urgence civile, le tribunal pour enfants, l’exécution et l’application des peines. Une troisième et dernière rencontre thématique avec l’IERDJ pourrait intervenir à l’issue du premier trimestre 2025 sur l’intelligence collective et la gestion des risques.

Ces rencontres représentent un travail conséquent pour l’IERDJ comme pour la direction de projet à la DSJ. Les chefs de cour, chefs de juridiction et directeurs de greffe prennent également sur un temps de travail précieux. Il reste que cette réflexion partagée au long cours permet tout à la fois d’identifier les enjeux pour les organisations de travail, les actions à mener et les outils pour y répondre.

Il existe des liens entre les thématiques abordées au cours de ces tables rondes et l’un des axes de travail prioritaire de l’IERDJ qui porte sur les métiers du droit et de la Justice. Comment cela s’articule-t-il ?

V.S : A la création du GIP IERDJ, son assemblée générale a souhaité un travail sur les identités professionnelles dans les métiers de la Justice, particulièrement au sein des juridictions. Il s’agissait, à la suite de l’expression d’un malaise chez les magistrates et magistrats tant judiciaires qu’administratifs et chez les greffières et greffiers, de faire porter l’analyse sur le travail de ces professionnels et professionnelles et aussi de réfléchir à l’articulation et à la transformation des métiers. L’une des premières activités du GIP en 2022 a été la constitution d’un groupe de réflexion réunissant scientifiques et praticiens. Nous avons lu et entendu de nombreux experts pour comprendre les enjeux de ce mal-être exprimé par les professions de justice. Ce travail s’est concrétisé par la rédaction d’une étude « Le travail en juridiction : analyse pluridisciplinaire » qui paraitra prochainement. Parallèlement, l’IERDJ a organisé une journée d’étude sur les métiers d’appui aux magistrats en juin 2023 et il finance plusieurs projets de recherche en cours, sur le travail des différents acteurs dans les juridictions, en France et à l’étranger.

Ce faisant, l’IERDJ développe les liens entre le monde de la recherche et les praticiens, pour le bénéfice des deux parties ! Certains chercheurs, même s’ils n’ont pas directement travaillé sur la Justice, ont accepté d’intervenir au cours de ces différents travaux pour nourrir notre réflexion et nous n’avons pas hésité à les solliciter plusieurs fois tant leur apport nous est apparu pertinent et source d’inspiration pour les métiers de la Justice.

Ces travaux menés avec la DSJ offrent-ils de nouvelles pistes pour la recherche ?

V.S : A l’évidence, c’est là un aspect très important pour l’IERDJ. Les mutations du travail, les transformations des juridictions, notamment en lien avec la dématérialisation, sont sources de questionnements et offrent des pistes de recherches dont les conclusions seront sans nul doute très utiles. Les chercheurs sont bien sûr invités à guetter nos appels à projets de recherche qui seront diffusés en fin d’année. Je peux déjà vous indiquer que l’un d’entre eux sera en lien avec la dématérialisation dans les juridictions.

Retrouvez le programme des tables rondes du 9 octobre 2024 :

Découvrez également le programme de la première table ronde du 17 avril 2024