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Regards croisés sur la formation MAJ : Magistrats, avocats, juristes d’entreprise 

Stéphanie Fougou, directrice juridique, présidente d’honneur de l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE), membre du comité de pilotage de la MAJ
Sarah Albertin, responsable scientifique et de programme à l’IERDJ et membre opérationnel de la MAJ.

Le titre de la formation MAJ évoque deux acronymes : « mise à jour » des connaissances et des pratiques et « magistrats, avocats, juristes d’entreprise ». Elle se décline en trois cycles de formation commune : Négociation, Enquête, RSE & Gouvernance répartis sur l’année. L’idée est de donner une occasion unique pour les avocats, les juristes d’entreprise et les magistrats de se rencontrer et de débattre de leurs pratiques, de leurs déontologies, et de leurs cultures professionnelles, afin de faire avancer ensemble la pratique du droit. Interview croisée de Stéphanie Fougou, directrice juridique, présidente d’honneur de l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE), membre du comité de pilotage de la MAJ et de Sarah Albertin, responsable scientifique et de programme à l’IERDJ et membre opérationnel de la formation.

Laetitia LH : Pouvez-vous nous rappeler les objectifs de cette formation ?

Stéphanie Fougou : La formation continue « Magistrats, avocats, juristes d’entreprise » (MAJ) a pour objectif de rassembler les professionnels du droit au sein d’une communauté plus unie et de lutter contre les cloisonnements, enrichir les visions et les parcours au travers d’une meilleure connaissance respective. Cette formation permet à des acteurs de différentes professions, tout au long de leur parcours, de partager des connaissances, de permettre aux participants de mieux comprendre comment chacun exerce son métier, de s’enrichir des raisonnements et des approches de chacun.

Laetitia LH : Comment a-t-elle vu le jour et comment a-t-elle évolué depuis sa création ? 

Stéphanie Fougou : La formation MAJ a été élaborée en partenariat entre l’École nationale de la magistrature (ENM), l’École de Formation des Barreaux (EFB) et l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) réunie par l’Institut des hautes études sur la justice (devenu IERDJ). Après un an de co-construction pour aboutir à une formation à la pédagogie nouvelle, soucieuse de respecter l’équilibre entre les professions et internalisant une organisation “en dialogue constant”, la MAJ est lancée au Grenelle du Droit organisé par l’AFJE en 2019  et commence effectivement en janvier 2020.  Elle a pu se concrétiser grâce à la foi et la volonté de quelques personnalités dans chacun des métiers : Elie Renard (Directeur adjoint de l’ENM), Aurélien Hamelle (Directeur juridique du groupe Total), Pierre Berlioz (à l’époque Directeur de l’EFB),  Antoine Garapon (à l’époque Secrétaire général de l’IHEJ) et moi-même, alors Présidente de l’AFJE. Nous sommes partis du constat commun que tous ces profils de juristes, magistrats, avocats avaient été formés ensemble dans les écoles et les universités, puis avaient rejoint différentes professions et que le cloisonnement des métiers nourrissait des représentations fausses ou imprécises des réalités de chaque métier voire des incompréhensions, parfois même des tensions. Nous avons imaginé qu’une meilleure interaction ne serait que favorable à l’épanouissement dans chaque métier et à la mise en valeur du droit en général dans notre société française.

Dorénavant, le processus est très bien rodé, les formateurs travaillent en concertation pour chaque module, sous la forme de cas pratiques, de discussions et de questions avec l’auditoire. Un comité se réunit périodiquement pour travailler sur les retours du public et adapter les futurs modules toujours en prise directe avec les enjeux d’actualité des juristes en général.

Cette formation est dorénavant inscrite dans tous les programmes des différentes écoles au sein des formations continues.

Laetitia LH : Quelles sont les thématiques des​ ​cycles de la MAJ, en quoi parlent-ils tant aux juristes d’entreprise, qu’aux magistrats et aux avocat​s ? Pourriez-vous nous présenter plus particulièrement le prochain cycle « Enquête » qui va débuter bientôt ? 

Stéphanie Fougou : L’objectif de ces formations est d’être à la fois très concrètes, de saisir des enjeux d’actualité de fond auxquels chacun, dans son espace et sa temporalité, peut être confronté, que ce soit en entreprise ou devant un tribunal. Selon sa culture professionnelle, son environnement, ses outils, chaque profession analyse et réagit alors différemment, d’où l’intérêt de se comprendre mutuellement.

La formation sur les enquêtes par exemple a été élaborée par un trio avocat, magistrat, directeur juridique d’entreprise  avec plusieurs points d’accroche :

  • la révélation de faits potentiellement délictueux au sein d’une entreprise, qu’elle soit le fait d’un salarié ou de dénonciations extérieures pouvant conduire à l’ouverture d’une enquête interne, administrative ou pénale répondant chacune à des objectifs distincts,
  • des normes particulières et se traduisant par des pouvoirs d’enquête d’intensité variable.

Elle aborde donc les trois types d’enquêtes, leurs divergence et convergence, la définition de la stratégie,  l’analyse des enjeux déontologiques et juridiques qui permettent d’en garantir la validité mais aussi la manière d’appréhender le caractère transfrontalier des investigations. C’est une occasion rare de comprendre les objectifs et des principes d’action de l’ensemble des acteurs de ces enquêtes.

Laetitia LH : En quoi chacune des professions regroupées au sein de la MAJ et représentée par l’ENM, l’AFJE, l’EFB participe-t-elle à la réussite de la MAJ ?  ​

Stéphanie Fougou : Ce sont justement leur regard respectif, les enjeux selon leur métier, le stade où elles interviennent, la manière dont elles se positionnent sur ces sujets et leurs questionnements qui font la richesse de cette formation. C’est leur partage qui permet à chaque profession d’anticiper la réaction de l’autre métier dans la vraie vie et de mieux les comprendre.

Sarah Albertin : J’ajouterais que la contribution de chacun des professionnels, qu’il soit magistrat, avocat ou juriste d’entreprise, constitue une pierre à l’édifice de l’intelligence collective des juristes et une façon de remédier au cloisonnement de leur métier qui nourrit encore trop souvent une mauvaise représentation de leur réalité. Chaque “chassé-croisé” que crée les rencontres au sein de la MAJ entre les professions procède, par la technique des “petits pas”, au (re)nouvellement de la confiance mutuelle et participe à l’ambition de fédérer les professionnels du droit.

Laetitia LH : En quoi l’IERDJ représente-t-il un acteur clé du dispositif ? 

Sarah Albertin : L’IERDJ est la clé de voute qui soutient et alimente le comité de pilotage de ce projet, qui coordonne les formateurs et assure la bonne gestion administrative du projet. Il est chargé de contribuer au design pédagogique, à la coordination et la communication entre les institutions et au bon fonctionnement global de la formation en veillant à ce que le dialogue constant et la dynamique interprofessionnelle promus dans la MAJ soient effectivement mis en œuvre dans sa conception. Grâce à sa vision transverse et jamais partisane, et sa conviction dans ce projet, l’IERDJ a un rôle accélérateur et fédérateur.

Laetitia LH : Quels sont les projets à venir de cette formation ? Quelles sont ses ambitions futures pour les professions qu’elle réunit ? 
 

Stéphanie Fougou : Nous réfléchissons à de nouveaux thèmes, à de nouveaux modules. Les crises sanitaires, environnementales, géopolitiques et démocratiques en cours nourrissent évidemment notre réflexion. Les urgences diverses auxquelles chacune de ces professions doit faire face dans ces crises sont des éléments communs sur lesquels nous nous penchons pour bâtir de nouveaux cycles et modules qui verront le jour en 2023.

Sarah Albertin : Le nombre d’inscrits ne fait que croitre et l’intérêt pour ces formations transverses est exponentiel. Les professionnels sont curieux et le monde d’aujourd’hui requiert de ne pas rester enfermé dans une vision unique.

Des places ​sont disponibles pour suivre l​e prochain ​cycle « Enquête » qui explorera l’enquête interne, administrative et judiciaire. ​Inscrivez-vous vite !