- Dans le cadre de sa programmation scientifique, l’Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ) a lancé une réflexion exploratoire sur la place des femmes dans le système judiciaire, en interrogeant les dynamiques de genre tant pour les femmes justiciables que pour les professionnelles de justice.
- Cette réflexion s’est concrétisée cette année par l’organisation de trois ateliers en mai et juin 2024 à l’IERDJ, sous la direction de Delphine Chauffaut, magistrate et en collaboration avec la sociologue Delphine Serre.
- Les actes de ces ateliers ont été diffusés lors d’une journée d’échanges le 7 novembre 2024 qui a poursuivi l’exploration de la place des femmes dans le système judicaire.
Un état des lieux des inégalités dans les professions judiciaires
Dès l’ouverture de la journée d’échanges, le 7 novembre dernier, les participants et participantes ont mis en lumière le paradoxe d’une féminisation croissante des professions judiciaires, sans réelle égalité. Malgré une forte présence des femmes dans ces métiers, les postes à responsabilité restent majoritairement occupés par des hommes, notamment au sein des juridictions et de l’administration centrale. Laurent Willemez, sociologue, Laurent a abordé la question des magistrats, tandis que Delphine Chauffaut, magistrate et animatrice des ateliers menés à l’été 2024 à l’IERDJ est revenue sur les mécanismes de féminisation et de défaut d’atteinte de l’égalitépour l’ensemble des professions du monde judiciiare, dans le secteur public ainsi que dans les professions libérales.
En parallèle, Cécile Rambourg, enseignante-chercheuse en sociologie, à l’école nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire (CIRAP), a exposé la réalité des femmes dans l’administration pénitentiaire, où les stéréotypes influencent fortement les rôles attribués. Si la féminisation « par le haut » progresse dans certains corps, les obstacles à une réelle égalité restent nombreux, notamment dans les postes de surveillance et de commandement, encore perçus comme des sphères masculines.
Les attentes des femmes justiciables : entre obstacles et besoins spécifiques
Autre point central de la journée : les attentes et les besoins des femmes justiciables, qui fait notamment l’objet l’un des appels à projets de recherche récurrents lancés par l’Institut en 2023 et renouvelé tous les six mois jusqu’en 2025.
Aude Lejeune, sociologue, a évoqué les barrières que rencontrent ces femmes pour accéder à la justice, particulièrement dans les contextes de précarité. En effet, les recherches montrent que les femmes hésitent davantage à porter leurs affaires devant les tribunaux, et lorsqu’elles le font, c’est souvent en compagnie d’un homme pour les représenter, soulignant un besoin d’accompagnement spécifique et une figure masculine d’autorité.
Mélanie Villiers, rapporteure générale adjointe à la section des études, de la prospective et de la coopération au Conseil d’État, a abordé l’impact des complexités administratives sur les usagères et les inégalités générées par les démarches judiciaires. Elle a mis en lumière le concept de « dernier kilomètre », terme précédemment évoqué lors de l’atelier « Besoins, demandes et attentes de justice” organisé à l’IERDJ évoquant les efforts nécessaires pour que l’action publique atteigne véritablement les personnes visées, en particulier les femmes.
Vers une justice plus inclusive : enjeux de recherche et perspectives
L’après-midi a été consacrée aux besoins d’études et de recherches, avec les interventions de spécialistes comme Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de droit public, Université de Nanterre, directrice du centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (CREDOF), membre senior de l’Institut universitaire de France et Delphine Serre, sociologue, qui a notamment contribué aux ateliers de l’IERDJ. Elles ont chacune souligné l’importance de mieux comprendre l’interaction entre genre et justice, que ce soit dans les pratiques professionnelles ou dans les parcours des justiciables. Les intervenantes ont proposé de nouveaux axes de recherche, notamment sur les parcours de carrière au sein des professions de justice, les engagements périphériques et les effets des collectifs de travail dans la progression des carrières féminines.
Mobilisation de l’expertise : le rôle des savoir-faire dans l’évolution des pratiques
Pour conclure, la session de l’après-midi a permis de repenser les pratiques professionnelles. Des expertes comme Agnès Gindt-Ducros, directrice du service de la recherche et de la documentation, à l’Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) ont partagé des perspectives sur l’intégration de la question de genre dans les formations et les politiques de recrutement. Delphine Delvert-Montigny, administratrice du Cercle Montesquieu, présidente de la commission DJ au féminin ou encore Nawel Oumer, avocate, présidente de la Commission Égalité au Conseil nationale des barreaux (CNB), reconnues pour leur engagement en faveur de l’égalité et de la promotion du genre, sont également intervenues pour renforcer la parité dans les instances judiciaires, ainsi que sur l’intégration des perspectives de genre dans les formations et pratiques professionnelles.
Une vision pour l’avenir : repenser la justice avec un prisme de genre
Cette journée de restitution a permis de réaffirmer la nécessité de repenser les pratiques judiciaires sous l’angle du genre. Les débats ont mis en lumière non seulement les inégalités persistantes mais aussi les pistes pour une justice plus équitable et inclusive. Les participantes et participants ont souligné l’importance d’une recherche continue sur le sujet, afin de favoriser une meilleure compréhension des enjeux et contribuer à une justice qui reflète la diversité de la société. Dans le cadre de son axe de travail dédié aux identités professionnelles, l’IERDJ prévoit de lancer un appel à projet de recherche sur le sujet.
Pour aller plus loin :
Prendre connaissance du programme de la journée et des biographies des intervenantes et intervenants
Revoir l’intégralité des tables rondes de la restitution