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Entretien-bilan avec Kathia Martin-Chenut 

Kathia Martin-Chenut, directrice de recherche au CNRS a été directrice adjointe scientifique de la MRDJ, puis de l’IERDJ de janvier 2018 à août 2022. Retour sur ses cinq années de mandat. 

Kathia Martin-Chenut

Laetitia Louis-Hommani : Vous avez été directrice adjointe scientifique du GIP MRDJ depuis janvier 2018, devenu maintenant l’IERDJ et quittez prochainement vos fonctions : quel bilan tirez-vous de ces presque cinq années passées au sein du GIP ? 

Kathia Martin-Chenut : En tant que chercheure au CNRS, l’un des membres fondateurs du GIP MRDJ, j’ai repris le flambeau de la direction adjointe scientifique exercée auparavant par mes collègues Georges Garioud (depuis la création du GIP jusqu’à 2014) et Florence Renucci (2014 à 2017), après avoir intégré le Conseil scientifique en 2014. Ces années passées au GIP ont été très denses, stimulantes et enrichissantes, à la fois professionnellement et humainement. J’ai pu assister et participer à une importante évolution de la structure. Une évolution qui a débuté sous la direction de Sandrine Zientara et qui s’est accentuée sous celle de Valérie Sagant, notamment à partir de 2019 quand la survie du GIP MRDJ a été menacée par une circulaire gouvernementale qui visait la suppression de structures comptant un faible nombre d’agents et placées sous la tutelle des ministères. Cette évolution s’est traduite par une plus importante visibilité du GIP tant auprès des praticiens que de la communauté scientifique ; l’élargissement de l’équipe mais également des membres du GIP et de sa gouvernance ; l’amplification du rôle de son Conseil scientifique, impliqué dans l’élaboration de la programmation scientifique et de plus en plus consulté par la direction lors de la conception ou de la mise en œuvre des activités du GIP ; l’accroissement du nombre de recherches, colloques et publications financés, mais également des opérations de valorisation ainsi que la diversification de leurs formats. A titre personnel, j’ai pu acquérir une vision panoramique à la fois de la recherche en sciences humaines et sociales (SHS) sur le droit et la justice, des institutions juridictionnelles et de l’ensemble des professions du droit. Enfin, ayant à cœur l’impact social du travail de recherche, j’ai trouvé au sein du GIP l’occasion d’approfondir une démarche de médiation scientifique et de transfert de connaissances à un large public.

Laetitia Louis-Hommani : Quelles sont les actions/évolutions que vous avez porté et dont vous êtes la plus satisfaite ? 

Kathia Martin-Chenut : Pendant ces cinq années, outre la mise en place d’une véritable dynamique d’équipe dans le cadre du suivi scientifique des recherches soutenues par le GIP, j’ai pu initier ou contribuer à certaines orientations relatives à la définition des critères d’évaluation méthodologique, aux pratiques déontologiques ou aux questions d’intégrité scientifique, de propriété intellectuelle et de sciences ouvertes. Pour tester et perfectionner ces orientations, j’ai organisé avec Victoria Vanneau, (NDLR : alors responsable de valorisation et du suivi scientifique des recherches) un cycle d’ateliers sur les « Enjeux et méthodes de la recherche sur le droit et la justice » (voir page 36 du rapport d’activité 2021 de la MRDJ). Il a réuni une quarantaine de chercheur.es et praticien.nes autour de questions aussi éclectiques que la diversité des courants de pensée et méthodologiques en SHS et leur appréhension lors des processus d’évaluation de projets ou rapports de recherche ; la pluri-inter-transdisciplinarité, l’accès et le traitement des données, ou la place de la société civile, dans les recherches sur le droit et la justice ; mais aussi les usages et les usager.ères de cette recherche ; ou encore les définitions, frontières et enjeux des diverses formes et natures de la recherche sur le droit et la justice. J’ai pu par ailleurs mettre en œuvre une opération que nous avons dénommée « Tour de France et d’Europe des labos » en vue de mieux faire connaître le GIP, son mode de fonctionnement et les résultats des recherches soutenues auprès de chercheurs et ingénieurs et techniciens administratifs (ITA) des divers laboratoires de recherche dans le dessein de les éclairer sur les possibilités et critères de financement, mais également de créer des synergies entre équipes de recherche et favoriser l’interdisciplinarité. Dans la lignée de cette démarche de sensibilisation et de mobilisation d’équipes représentant différentes disciplines, j’ai pu participer à un renouvellement du Conseil scientifique du GIP pour qu’il puisse couvrir, outre les différentes branches du droit et la sociologie, les sciences politiques, l’histoire, la philosophie, l’anthropologie, l’économie… Pendant ces cinq années nous avons multiplié les opérations de valorisation et de transfert des connaissances vers les praticien.nes et la société en général. Pour prendre quelques exemples qui traduisent la diversité des thématiques et des formats de transfert des résultats de la recherche scientifique, pouvant à la fois nourrir la communauté scientifique et contribuer à éclairer les débats publics, méritent d’être mentionnés : l’expérience novatrice lancée en 2019 de collaboration entre le GIP MRDJ et l’Inspection générale de la justice (IGJ) autour des travaux d’une double inspection visant à évaluer les relations entre justice et environnement. Cette initiative a abouti à l’organisation de tables rondes en amont de l’élaboration du rapport officiel et une semaine de débats en aval de la publication du rapport en octobre 2020. Il faut également signaler le colloque de restitution des résultats des recherches soutenues par le GIP organisé en 2018 sur les codes de gouvernance d’entreprises, qui a réuni au sein de France Stratégie des checheur.es, magistrat.es, représentant.es du secteur économique et de la société civile dans le contexte d’adoption de la loi PACTE, ou celui sur les procréations assistées et filiation, qui a permis d’établir un dialogue interdisciplinaire sur la thématique et d’alimenter le débat public pendant les États généraux de la bioéthique. Autre fait marquant, l’organisation en 2021, en partenariat avec l’ENM d’un colloque interdisciplinaire sur le thème neurosciences et pratiques judiciaires dans la suite de la publication d’un état des connaissances ouvrant la voie à d’autres opérations sur la thématique. Enfin, je peux mentionner, cette fois-ci dans le cadre des prix Carbonnier et Vendôme, la participation du GIP aux « Résidences ADAMAS » et l’accueil des lauréats au Centre culturel de rencontre du Château de Goutelas pour un séjour de recherche hors normes qui favorise le partage des savoirs et la transdisciplinarité autour des questions en lien avec l’humanisme juridique. 

Laetitia Louis-Hommani : Vous avez participé à la mission de préfiguration du nouvel institut, quel a été votre rôle et qu’avez-vous souhaité défendre ? 

Kathia Martin-Chenut : Au delà de la contribution à la réflexion stratégique du GIP MRDJ pendant ces cinq dernières années, j’ai pu participer aux travaux de la mission de préfiguration de l’IERDJ, qui s’est réunie une fois par semaine tout au long de l’année 2021 et qui a tenu diverses réunions de présentation du projet aux institutions susceptibles d’intégrer le nouveau GIP. Grâce à ma connaissance à la fois du GIP MRDJ et de l’IHEJ, ayant participé en tant que chercheure à certaines de ses initiatives, j’ai pu contribuer à la réflexion sur la définition des contours d’une nouvelle structure qui combinerait les identités et savoir-faire des deux structures pré-existantes. Avec mon collègue Lionel Maurel, qui représentait l’institut des sciences humaines et sociales (INSHS) du CNRS au sein de la mission, nous avons pu insister sur l’importance de l’indépendance de la recherche, de la rigueur méthodologique et du respect des règles déontologiques, notamment en nous appuyant sur l’héritage du Conseil scientifique du GIP MRDJ et l’expérience du CNRS. En parallèle des travaux de la mission de préfiguration et grâce à la clairvoyance de Valérie Sagant, nous avons pu tester la complémentarité des équipes et des méthodes de travail en renforçant les collaborations en amont de l’adoption de la convention constitutive du nouveau GIP IERDJ.

Laetitia Louis-Hommani : Que diriez-vous à votre successeure, Isabelle Sayn, directrice de recherche au CNRS qui vous succède au 1er septembre 2022 pour reprendre les rênes de la direction scientifique de l’IERDJ ?

Kathia Martin-Chenut : Tout d’abord je tiens à exprimer ma joie et ma gratitude à Isabelle Sayn d’avoir accepté de prendre la relève. Je suis certaine qu’au regard de son expérience de recherche sur le droit et la justice et sa connaissance de l’ancien GIP MRDJ, elle saura à la fois être la gardienne de l’héritage de ce qu’a représenté la « Mission » pour l’évolution de la recherche collective et interdisciplinaire sur le droit et la justice et contribuer au développement de ce nouveau GIP qu’est l’IERDJ. Elle apportera un regard nouveau, de nouveaux réseaux et pratiques à cette nouvelle structure, pour que celle-ci  continue de transformer le scénario de la recherche sur le droit et la justice en France. Enfin, j’espère qu’elle éprouvera le même plaisir qui a été le mien à travailler avec cette équipe et pourra s’épanouir dans ses nouvelles fonctions.

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    Publié le 1 Sep. 2022