Le 6 février prochain, la Cour de cassation, l’ENM et l’IERDJ organisent le colloque « Généralisation de la motivation des peines : principes et pratiques ». Il vise à dresser un bilan de la généralisation de l’obligation de motivation des peines en matière correctionnelle et criminelle ainsi qu’à donner des pistes de réponses à différentes questions susceptibles de se poser aux praticiens.
Ce colloque repose largement sur les conclusions de deux recherches de l’IERDJ dont les résultats nourrissent la réflexion :
- La motivation des peines correctionnelles, juin 2023 (Anne-Gaëlle ROBERT, Benjamin MONNERY, Stéphane GERRY-VERNIÈRES, Yannick JOSEPH-RATINEAU, dir)
- La motivation des peines correctionnelles et criminelles : recherche sur les déterminants de la motivation des décisions pénales, décembre 2022 (Anne PONSEILLE, Marc TOUILLIER, Raphaëlle PARIZOT, PIERRE-YVES GAHDOUN, dir.)
En amont de cette journée qui rassemblera des magistrats, des avocats, des universitaires, et toutes les personnes intéressées par le sens de la peine, Anne-Sophie de Lamarzelle, magistrate, responsable d’études et de recherches à l’IERDJ, Nathalie Jallut, conseillère référendaire à la Cour de cassation, chargée de mission auprès de la première présidence pour la formation et les manifestations et Dorothée Mercier, magistrate, coordinatrice de formation à l’Ecole Nationale de la Magistrature nous en présentent les grands enjeux.

Anne-Sophie de Lamarzelle, Nathalie Jallut et Dorothée Mercier – DR
Ces deux recherches ont été menées sur le terrain, dans plusieurs juridictions et auprès de différents praticiens entre 2019 et 2022 à la suite d’un appel à projets de recherche de l’IERDJ. Quel était le contexte de cet appel à projet de recherches et quels sont les apports de ces travaux ?
Anne-Sophie de LAMARZELLE : L’appel à projets de recherche lancé par l’Institut en 2018 s’inscrivait dans le contexte d’extension de l’obligation de motivation des peines. A l’exigence de motivation des seules peines d’emprisonnement ferme, s’est ajoutée, en 2014, celle des refus d’aménagement ab initio pour les peines d’un quantum inférieur ou égal à deux ans. A partir des années 2016 et surtout 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a exigé la motivation de toutes les peines prononcées en matière correctionnelle par référence aux critères légaux de la gravité des faits, de la personnalité de l’auteur et de sa situation personnelle. A la suite d’une décision du 2 mars 2018 rendue par le Conseil constitutionnel, l’obligation de motivation des peines a été étendue aux décisions criminelles et la loi de programmation judiciaire du 23 mars 2019 est venue consacrer ces évolutions jurisprudentielles.
Conformément aux objectifs de l’appel à projets de recherche, les travaux se sont attachés à cerner les réalités de la motivation des peines en première instance et en appel. Il s’agissait notamment de savoir comment cette exigence était perçue par les juges du fond mais aussi comment, s’opérait, en pratique, la motivation. Les chercheurs se sont notamment demandé, avec des conclusions nuancées, dans quelle mesure la motivation permet l’individualisation de la peine. Ils ont aussi souligné la persistance du recours aux courtes peines d’emprisonnement alors que les dernières lois visaient à en restreindre le prononcé. Ces travaux de recherche permettent encore de mieux connaître les pratiques dans les juridictions, que ce soit celles des magistrats, des greffiers ou des avocats, de mettre en évidence certaines des difficultés rencontrées par ces praticiens mais aussi de s’intéresser aux ressources qu’ils mobilisent.
Quels sont les objectifs de la Cour de cassation à travers ce colloque ?
Nathalie JALLUT : La Cour de cassation poursuit plusieurs objectifs à travers ce colloque sur la motivation des peines. Près de dix ans après la généralisation de l’obligation de motivation des décisions correctionnelles et criminelles, il s’agit d’abord de dresser un bilan de cette réforme majeure, dont l’objectif est notamment de favoriser l’individualisation, la compréhension et donc l’efficacité des peines.
Ce colloque offre également une plateforme pour renforcer le dialogue entre les juges de la Cour de cassation et ceux des juridictions de fond, en favorisant une meilleure compréhension mutuelle des exigences et des pratiques.
Par ailleurs, il vise à identifier les nouveaux questionnements soulevés par l’obligation de motivation, en s’appuyant notamment sur les conclusions des recherches menées par l’IERDJ. Ces travaux, nourris par des études de terrain, permettent d’éclairer les défis rencontrés par les magistrats et les évolutions possibles, tant en matière de principes que de pratiques.
Enfin, le colloque ambitionne d’ouvrir des perspectives d’avenir en croisant les regards de magistrats, d’avocats et de chercheurs. En interrogeant les pratiques actuelles, il cherche à dégager des pistes d’amélioration, notamment dans le cadre de la formation continue des magistrats, et à susciter de nouvelles recherches pour accompagner les évolutions du droit pénal et criminel.
Ce colloque, éligible à la formation continue des magistrats, est aussi porté par l’ENM. A quelles questions intéressant les praticiens propose-t-il de répondre ?
Dorothée MERCIER : La formation continue a notamment pour objectifs d’accompagner les magistrats en exercice dans leurs pratiques professionnelles et d’actualiser et approfondir leurs savoirs lors des réformes législatives et réglementaires, et des évolutions jurisprudentielles.
L’ENM a souhaité co-organiser ce colloque avec la Cour de cassation et l’IERDJ afin de répondre à ces objectifs en abordant des questions essentielles dans la pratique professionnelle des magistrats : pour quoi et pour qui les juges motivent-ils ? Mais aussi quel est l’impact de l’obligation de motivation sur le prononcé des courtes peines d’emprisonnement et quelles sont les spécificités des peines criminelles ?
La réponse à ces questions en sera d’autant plus riche que les intervenants ne viennent pas uniquement du monde judiciaire mais également du monde universitaire.
A qui s’adresse ce colloque ?
Anne-Sophie de LAMARZELLE : Au cours de ce colloque interviendront des magistrats exerçant dans différents degrés de juridictions, des avocats et des universitaires. Comme l’indique Nathalie Jallut il s’agit de croiser les regards sur la motivation des peines, de nourrir le dialogue, d’identifier des questionnements pour l’avenir et pourquoi pas d’identifier des axes d’améliorations ou de nouvelles pistes de recherche. Ce colloque s’adresse bien sûr aux magistrats, avocats, universitaires et étudiants, mais aussi aux greffiers, juristes assistants, assistants de Justice, ainsi qu’aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation qui interviennent dans le suivi de la peine. Plus généralement il est destiné à tous ceux qui s’intéressent au sens de la peine.
